Les Partisans

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Les Partisans

Il ne fait pas de doute que les partisans du titre sont des jeunes juifs constitués en armée de fortune pour lutter contre les nazis, dans l’Ukraine de la Seconde Guerre mondiale. Il ne fait pas de doute, parce qu’on sait désormais reconnaître les indices qu’Aharon Appelfeld sème de livre en livre, ces petits cailloux ramassés dans cette partie d’enfance qu’il passa caché au creux d’une forêt ukrainienne, après s’être échappé d’un camp de Transnistrie, en 1942. Il ne fait pas de doute, parce que la puissance de la langue de cet auteur, sensible aux éléments, aux songes, aux vibrations venues du premier âge, n’a pas son pareil pour restituer une époque, malgré très peu de repères géographiques et chronologiques.

Pour mieux dire la force de résistance de ces partisans, pour mieux laisser crier leur humanité, Appelfeld les fait évoluer dans un paysage de fin du monde, désertique, presque atemporel, un no man’s land brumeux où leurs silhouettes se détachent pourtant avec une étrange netteté, une terre désolée où ils apparaissent comme seule source de vie. Ils avancent sous la houlette de deux hommes, l’un qui fredonne des cantates de Bach et voue un culte aux mots, l’autre dont tout l’être « exprime l’éblouissement » et qui refuse de fuir dans l’action au détriment de la méditation. Leurs cervelles sont des champs de bataille où s’affrontent des questions de plus en plus métaphysiques : « Le temps est un flux de ténèbres épaisses et humides dans lequel nous piétinons, à moitié aveugles, tenaillés par les interrogations :  »Où sommes-nous ? Qu’avons-nous fait jusqu’à présent ? Qu’est-ce qui nous attend ? » », raconte le héros, jeune garçon anonyme qui s’autorise à retrouver ses parents en rêve. C’est le plus beau chapitre du livre, une parenthèse irréelle et miroitante où l’adolescent se voit mangeant des oeufs avec son père et sa mère dans un grand hôtel de Baden. En apparence, rien n’a changé malgré la guerre. Sauf les arbres. Comme toujours, Appelfeld a l’art d’écouter la végétation et de susciter le recueillement en quelques mots, simples et dépouillés. — Marine Landrot

 

Ah hod ha-Tsa’ar, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, éd. de l’Olivier, 320 p., 22 €.

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