Les Lois de la frontière

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Les Lois de la frontière

Ils sont trois adolescents, deux garçons et une fille, au cœur névralgique de ce beau roman grave et profondément ­humaniste auquel Javier Cercas (Les Soldats de Salamine, Anatomie d’un instant…) a su donner l’ampleur tempo­­relle qu’il convient pour offrir à chacun un authentique et prenant destin. Ils s’appellent Zarco, Tere et Ignacio, c’est au cours de l’été 1978, à Gérone (Catalogne), que leurs existences se croisent et s’imbriquent, et les liens qui se nouent alors entre eux ne se dissoudront plus – voici leurs destinées unies, pour le meilleur et surtout pour le pire. Ignacio est un garçon de la classe moyenne, solitaire, craintif. Zarco et Tere, eux, vivent en marge de la ville, dans les quartiers réservés aux familles les plus précarisées, adolescents délinquants, affranchis, audacieux, tirant de cette liberté à haut risque dont ils jouissent leur pouvoir de séduction sur le gauche Ignacio.

C’est a posteriori, des décennies plus tard, par la voix d’Ignacio, devenu avocat pénaliste – par celle aussi d’un fonctionnaire de police ayant eu affaire au trio en cet été 1978 –, que sont racontés les faits : les liens qui se tissent entre les jeunes gens, l’entrée d’Ignacio dans la bande du charismatique Zarco, l’engrenage des mauvais coups, une trahison demeurée mystérieuse, la chute du chef de bande, bientôt emprisonné… Le récit ne s’arrête pas là, Ignacio continue d’en tirer le fil, le livrant à l’oreille attentive d’un écrivain qui, dans les années 2000, a entrepris d’écrire un livre sur l’histoire de Zarco, mort à présent, mais avant cela devenu un voyou mythique et médiatique.

C’est sans effet, mais en lui conférant une grande intensité, que Javier Cercas déploie ainsi son intrigue – et développe la méditation sur la destinée humaine qui la sous-tend. Cela par l’entremise de la voix parfaitement juste d’Ignacio, les certitudes et les doutes de celui qui fut le seul rescapé d’entre tous. Demeuré à jamais hanté par Zarco, par Tere, par l’enchaînement en partie insaisissable des faits dont cet été 1978 fut la source toxique, décidant de la vie des trois jeunes gens – du salut de l’un, du naufrage des autres.

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