Les Forêts de Ravel

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Les Forêts de Ravel

Sur le musicien Maurice Ravel (1875-1937), on avait lu, déjà, l’éblouissant récit de Jean Echenoz, sobrement intitulé Ravel (2006). Que pouvait-on découvrir de plus sur ce dandy élégant et énigmatique, aussi mélancolique, aussi secret et distant que sont fluides et sonnantes ses notes de musique ? Alors qu’Echenoz s’intéresse aux dernières années de l’auteur du Boléro — de la triomphale tournée en Amérique de 1928 jusqu’à sa mort par dégénérescence neurologique —, Michel Bernard embrase le destin du compositeur dès qu’il réussit, enfin, à s’enrôler dans l’armée. Nous sommes en 1916, Ravel a 41 ans, il débarque non loin du front, du côté de Bar-le-Duc. Longtemps, il a été réformé pour sa taille de jockey (1,61 m) et sa fragilité. Il se rêvait dans l’aviation ? Il conduira les poids lourds, récupérant blessés et matériel cassé.

Michel Bernard ne s’attarde pas sur les états d’âme de Ravel, il montre juste une force qui va, s’agite et ne se confie pas, ou alors juste aux forêts, qu’il arpente dès qu’il le peut. Ravel veut participer avec les autres à l’effort de guerre. Mais il se retrouve parfois au clavier d’un piano oublié dans un hôpital de fortune ; et tous, malades, infirmiers, médecins s’approchent soudain silencieusement pour l’écouter… Il y a des instants de grâce dans cette histoire contée avec un véritable amour des choses de la terre, du soleil et du ciel, que le romancier fait goûter d’une écriture si sensible. Il joue des mots comme Ravel joue du piano, pour nous entraîner sur des chemins opaques et mystérieux. Sur les bonheurs et tragédies intimes du musicien, on ne saura rien. Et pourtant, on pénètre peu à peu comme chez soi dans sa demeure solitaire de Montfort-l’Amaury. Pas besoin de psychologie, de dialogues pour se sentir proche. Le style infiniment rare et musical de l’écriture fait ici le lien. Magique. — Fabienne Pascaud

 

Ed. La Table ronde 176 p., 16 €.

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