Anouk Ricard est un auteur économe. Pas un mot qui dépasse. Pas une image qui déborde. Elle élague, elle soustrait. Elle se concentre sur l’essentiel : un humour — comment dire ? — absurde, décalé, saugrenu, loufoque. Un précipité de nonsense minimaliste, où le presque rien est calibré pour ce « guide du savoir universel », à partir de douze questions aussi essentielles qu’éclectiques. Comment s’intégrer dans une soirée mondaine ? Comment être à la mode ? Comment tomber amoureux ? Pas de théorie, rien que de la pratique. Pipo, « expert en tout » qui ne doute de rien, fait la leçon au plus docile des cobayes, Cano, dont la bonne volonté est loin d’égaler une naïveté assez crétine. Physiquement, Pipo le chien et Cano le canard sortent tout droit de l’illustration jeunesse, où Anouk Ricard a débuté. Sa petite ménagerie anthropomorphique, croquée d’un trait épuré et rigolo, dans des couleurs pimpantes, se livre à toutes sortes d’expériences qui n’ont rien d’enfantin. La démonstration, régulièrement, foire, mais n’entame pas l’autosatisfaction des deux compères, des Bouvard et Pécuchet au petit pied. Et leur éclatante bêtise ravit.
Ce registre-là, la dessinatrice le maîtrise comme personne : pour preuve, on lira aussi Coucous Bouzon (éd. Gallimard, 2011), d’une drôlerie abrasive sur la vie de bureau dans une fabrique de coucous suisses (rien que cette idée…). Où l’on découvre que parler pour ne rien dire, c’est précisément ce qui fait sens. Comment faire de l’humour ? A cette question primordiale, Pipo apporte plusieurs réponses, dont celle-ci : « Ça peut être drôle de faire des blagues nulles, c’est ce qu’on appelle le second degré. » Tout est dit. — Jean-Claude Loiseau
Ed. Professeur Cyclope, 120 p., 16 €.
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