Les évaporés

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Les évaporés

C’est un roman au charme mystérieux, où les images quasi documentaires butent sur l’indicible des destins humains, un roman entre chien et loup, rêve et réalité, où la poésie malgré tout finit par l’emporter. Un rien mélancolique, sensible au plus haut point, Thomas Reverdy excelle dans ce portrait du Japon contemporain, crépusculaire, tourmenté, celui de la crise sans fin, des catastrophes naturelles et nucléaires, de l’emprise des yakusas sur l’économie, de la corruption des élites. De courts chapitres, comme autant de miniatures, ouvrent dans la fiction des brèches d’une force remarquable. Ses personnages, de fait, n’en paraissent que plus vrais. A commencer par Richard B., inspiré du poète-romancier américain Richard Brautigan. Reverdy l’imagine détective privé à San Francisco, partant pour le Japon avec son ex, Yukiko, dont le père a brusquement disparu. Le roman s’organise ainsi autour de la figure des johatsu, ces « évaporés » qui, un beau jour, disparaissent, que la société japonaise respecte et que personne ne recherche, ni la police ni la famille. Thomas Reverdy en exprime, avec une belle simplicité, le mystère entêtant, cette opacité irréductible des êtres, cette tentation universelle, un jour ou l’autre, de la fuite.

La renaissance est ainsi, une fois encore, au coeur de ce livre. Le précédent, L’Envers du monde, prenait place à New York, sur le chantier de Ground Zero, deux ans après le 11 septembre 2001. La Montée des eaux, Les Derniers Feux, plus intimistes, clairement autobiographiques, mettaient en scène un jeune homme prénommé Thomas, confronté à la mort de sa mère, puis de son père. « Les morts ont ce pouvoir en partant pour de bon de nous rendre à la vie », notait alors l’auteur-narrateur. Ce dernier roman, enfin, se situe juste après le désastre du tsunami et de Fukushima. Il marque ainsi la cohérence d’une oeuvre subtile, construite sur une forme d’espérance lucide, la possibilité toujours de repartir, même si « la vie est complètement hors de contrôle », comme l’assène en conclusion le roman, dans une formule empruntée à Brautigan. — Michel Abescat

 

Ed. Flammarion 303 p., 19 €.

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