Les Barrages de sable. Traité de castellologie littorale

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Les Barrages de sable. Traité de castellologie littorale

Originale et délectable escapade littéraire que la lecture tout en découvertes historiques et curiosités philosophiques de cet ouvrage buissonnier — mi-essai, mi-rêverie — autour des châteaux de sable de nos enfances estivales. Que sont-ils au juste, d’ailleurs, ces châteaux ? Des remparts, des barrages, des mausolées, des autels ?

C’est en observant sa fille et son fils s’acharner sur une de ces constructions éphémères — contre la mer, le temps de la marée, l’ennui des vacances… — que Jean-Yves Jouannais eut l’idée de ce piquant traité. Rompu au génie militaire depuis l’étonnant cycle de conférences-performances qu’il imagina à partir de 2008 au Centre Pompidou — L’Encyclopédie des guerres —, l’ex-critique d’art s’y interroge sur ce que peuvent symboliser, dire de nous-mêmes et de notre grande Histoire ces fragiles architectures aux apparences si souvent médiévales, recommencées de génération en génération, de plage en plage.

Lui, qui s’est tant plu à évoquer chaque mois en public (à Beaubourg) via quelque 530 entrées — d’Abeille à Zouave ! — le surréaliste alphabet de la guerre à travers la littérature (du siège de Troie à Hiroshima), se fait archéologue de nos premiers fantasmes belliqueux, de nos enfantines fascinations pour la bataille. Quand et où évoque-t-on pour la première fois les châteaux de sable ? Naviguant en chapitres brefs et érudits (souvent drôles) d’Homère à son ami romancier Olivier Cadiot, ou de Shakespeare à Nietzsche et Proust, Jean-Yves Jouannais réveille en s’amusant nos peurs et exorcismes archaïques.

Comme il l’écrit dans Les Barrages de sable, les premiers jeux de l’enfance ont en effet irrésistiblement affaire avec le combat ; voir La Guerre des boutons au cinéma ou Sa Majesté des mouches en littérature… Alors, le sujet apparemment anecdotique de l’ouvrage devient feuilleton, quasi-polar, parce qu’on soupçonne des sources cachées, inconscientes au banal divertissement des plages. Ce savoureux jeu de piste, Jouannais le maîtrise en poète, historien, artiste ; et père de famille, et fils… Il avoue volontiers que la guerre — et ici sa variante enfantine et sableuse — le tracasse, le secoue, l’énerve bien plus qu’elle ne l’intéresse. Grâce à lui, elle nous importe soudain, nous tracasse, nous secoue et nous énerve aussi. Peut-on, veut-on échapper à la guerre ? Pas inutile de lire Jouannais quand celle-ci est aujourd’hui partout… — Fabienne Pascaud

 

Ed. Grasset 208 p., 16 €.

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