Immense écrivain israélien, David Grossman a écrit Une femme fuyant l’annonce, sans doute l’un des romans les plus forts de ces dix dernières années, dans un état de prémonition inconsciente : alors qu’il achevait l’écriture de cette histoire d’une mère qui refuse d’entendre la mort de son fils, il apprenait que son propre fils avait été tué au Liban. Les six histoires pour enfants qui paraissent aujourd’hui datent des années 1980, et ont été imaginées, de son vivant, pour ce fils aujourd’hui perdu. Elles mettent en scène un petit garçon et son père, auquel l’illustratrice Charlotte des Ligneris a réussi à donner les traits doux et intelligents de David Grossman. Comment ne pas voir de prescience, à nouveau, dans ces contes faussement légers, aussi drôles qu’angoissés, sur la peur, sur la difficulté de se détacher de ses parents et de ses enfants, sur la perte ? Comment ne pas entendre l’écho déchirant au destin à venir, face à cette histoire de lionceau perdu ou de petit garçon qui veut se transformer en colis pour que ses parents reçoivent son corps par la poste ? Il ne faut pas avoir peur pour autant de lire à ses enfants ces histoires magnifiquement traduites. Aussi fantaisistes que celles qu’Eugène Ionesco écrivit en son temps, elles ont vraiment tout pour inciter les jeunes âmes à la rêverie, et à l’élévation.
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