Les Années de l’éléphant

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Les Années de l’éléphant

« Il paraît que la douleur vient plus tard. D’abord on vit dans le flou… » Lorsque son fils unique saute du haut de l’immeuble qui abrite le domicile familial, Karel Germonprez pense qu’il va faire face. Comptable dans une petite ville flamande, ce bedonnant quinquagénaire mène une vie aussi réglée qu’ordinaire. Le suicide de Wannes, c’est d’abord des formalités, des questions au bureau, beaucoup de bazar à régler, des soucis avec le voisinage et le qu’en-dira-t-on. Peu à peu, pourtant, le monde de Karel se fissure, la réalité se brouille, hallucinations et fantasmes s’invitent à sa table et comme une gigantesque bouche d’ombre le deuil finit par le rattraper et le gober tout cru. Il faudra de la sueur, du sang, des larmes, beaucoup de temps et l’aide d’une thérapeute pour apercevoir une lueur au bout du tunnel…

Impossible de décrire le deuil, ce mélange de colère et de sidération, d’excitation et d’abattement, de rires et de larmes, sans l’avoir vécu. Willy Linthout a traversé la même épreuve que son héros et en a tiré ce qui n’est ni une chronique ni un témoignage, mais une authentique BD. Suite de petites histoires où Karel cherche par tous les moyens à garder une trace de son fils, quitte à découper le trottoir où il s’est écrasé, Les Années de l’éléphant célèbre l’improbable rencontre entre la farce et le surréalisme, la baraque à frites et les toiles de Magritte. Difficile en lisant cette épopée où le sanglot côtoie le grotesque de ne pas penser aux chansons de Brel comme Jef ou Jacky, bref aux sommets de la belgitude. Voulu par l’auteur, l’aspect crayonné, inachevé du dessin peut déconcerter de prime abord, mais l’émotion n’en est que plus brute. — Stéphane Jarno

 

Ed. Presque Lune, 180 p., 22 €.

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