Le Tirailleur

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Le Tirailleur

Un vieil homme parle. Il se raconte, mots simples, directs, évocateurs, pour dire comment, jadis, sa vie, soudain, a basculé un matin. Abdesslem avait 17 ans en 1939. Ce jeune berger marocain est descendu au bled voisin, et découvre, fasciné, les camions de l’armée française. Celle-ci recrute. On ne lui demande pas son avis. Cela ressemble à une rafle. Engagé très involontaire pour la guerre imminente, le tirailleur ne quittera l’uniforme que quinze ans plus tard, après d’ultimes opérations en Indochine. Ce vieil homme, qui parle en 2008, vit alors dans un foyer à Dreux, où il s’impose de passer neuf mois par an, seul, loin de sa famille, afin de pouvoir toucher la très maigre pension militaire qui lui revient. Un photographe, Alain Bujak, l’a rencontré, écouté, il a pris des notes, et de ces notes il a tiré un récit à la première personne, celui qu’Abdesslem a livré dans le vif des souvenirs. Portrait d’un anonyme qui se livre sans amertume, avec un regard rétrospectif précis, lucide, d’une remarquable justesse de ton. Dans cette trajectoire reconstituée dans les nuances d’un dessin pastellisé qui n’élude rien des moments tragiques, mais tient à distance le pathétique surjoué, on peut voir comme un concentré d’humanité blessée mais digne. Elle a la netteté d’une évidence : un oublié de l’histoire peut faire un très beau héros de bande dessinée. — Jean-Claude Loiseau

 

Ed. Futuropolis 128 p., 19 €.

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