Le Sens de l’orientation

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Le Sens de l’orientation

Avoir ou pas le sens de l’orientation. Se repérer ou pas, dans ce monde déboussolé, où personne n’agit comme il est censé le faire, n’éprouve les sentiments qu’il devrait, ne pense comme il le pourrait. Ici, seules les mésanges élevées par Valentin, le psychanalyste du héros, Ferdinand, savent se diriger dans l’espace et le temps… Quel drôle de psychanalyste en effet — joueur invétéré et ne jouissant que de perdre —, quel drôle de héros, aussi, actif et passif à la fois, plein de rêves et d’impuissances, met donc si brillamment en scène dans son premier roman Arrigo Lessana !

Ferdinand pourrait être son double, chirurgien cardiaque comme lui, et comme lui amateur passionné de montagne. Tout au long d’un récit cadencé en brefs et vifs chapitres, écrit sur un rythme chaotique, ellip­ses et courts-circuits, tel le coeur qui bat la chamade, on observe d’ailleurs souvent Ferdinand dans ces salles d’opération que l’écrivain connaît à merveille ; et où il nous conte avec un ironique détachement l’insensible vacillement entre vie et mort, le geste du praticien qui sauve ou peut tuer, la fatigue du malade et celle de son chirurgien. Entre les nombreux quadragénaires qui s’agitent à l’aveugle dans Le Sens de l’orientation, s’aiment sans le savoir, et courent à leur perte sans l’anticiper, Arrigo Lessana tisse des liens incongrus, pleins d’humour et d’absurde. Personne ici n’est là où on l’attend. Un couturier homosexuel, Samir, embrase ainsi mystérieusement les sens de la compagne mathématicienne de Ferdinand, pourchassé quant à lui par une voluptueuse Italienne qui le quittera il ne sait pourquoi… A quoi sert quoi dans ces existences en vrac, que doit pourtant constamment sauver le héros médecin ? Qu’est-ce qui est utile, inutile ? Et qui même est utile ou inutile, s’interroge le couturier Samir ? Le chirurgien, l’artiste ? On ne saura pas. Sauf qu’Arrigo Lessana, après un essai sur son expérience médicale dans L’Aiguille (1) , a choisi, lui, la littérature. Et qu’il a bien fait. A défaut de nous guider, Le Sens de l’orientation plonge, avec drôlerie et tragique assumé, dans d’insondables labyrinthes — où peut-être vaut-il mieux se perdre que se retrouver. — Fabienne Pascaud

 

(1) Ed. Denoël, 2010.

 

Ed. Christian Bourgois 176 p., 16 €.

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