Le Roi des mouches. Tome 3 : Sourire suivant

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Le Roi des mouches. Tome 3 : Sourire suivant

Jusqu’au bout, on ne saura pas avec certitude d’où sort cette quille de bowling, convoitée jusqu’à ce que mort s’ensuive pour qui s’en est emparé à ses risques et périls. On pourrait aussi relater le parcours erratique d’une main coupée, qui réapparaît quand on ne l’attend plus. Il faudrait s’arrêter sur le fait que les morts reviennent, fantômes vengeurs, invisibles sauf des vivants qu’ils harcèlent dès lors que ceux-ci pensent à eux. On pourrait encore souligner l’impact d’un hyperréalisme brutal, glacial, mais aussi le vertige durable provoqué par l’intrusion du fantastique dans la trame du quotidien. Le Roi des mouches est un envoûtant jeu de pistes, autant mental que graphique, entamé il y a huit ans. C’est désormais un triptyque achevé, où le happy end de façade n’est sans doute qu’un ultime leurre, car rien ne prédispose le héros, l’autoproclamé « roi des mouches », au bonheur simple d’une vie sans histoire.

L’histoire d’Eric Klein, c’est l’errance d’un postadolescent désabusé, velléitaire, sarcastique, qui rêve parfois d’« un grand feu de haine » où disparaîtraient ces mères dépressives, ces épouses frustrées, ces pères lâches, ces beaufs odieux, ces dealers cruels qui le cernent, l’étouffent, et font ressembler son monde à « un perpétuel lendemain de fête ». Restent les filles et les pilules, le cul et la dope, qui obsèdent également Eric, toujours au bord du manque. Le Roi des mouches, c’est un enchaînement de fulgurances atmosphériques pour pénétrer un univers clos sur lui-même et sur les incurables névroses de ses habitants. Un récit éclaté en séquences courtes sur l’incessant ressac des obsessions, rythmé par une brillante voix off polyphonique, alternant les monologues intérieurs d’une demi-douzaine de protagonistes. Il faut relire ensemble les trois tomes pour apprécier la précision d’une construction souterraine et d’une mise en scène en parfaite osmose avec le texte : le dessin de Mezzo, dense, saturé de noir et de couleurs subtilement éteintes, où l’air circule difficilement, incruste le malaise ambiant avec une intensité implacable. Au-delà des influences souvent avancées, du Blue Velvet de David Lynch au Black Hole de Charles Burns entre autres, Le Roi des mouches laissera une trace durable dans la bande dessinée française de la dernière décennie. Celle de l’impénétrable singularité qu’on attribue d’ordinaire aux chefs-d’œuvre.

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