Le Retour de Bouvard et Pécuchet

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Le Retour de Bouvard et Pécuchet

Bouvard et Pécuchet ont littéralement tué Gustave Flaubert, qui leur a consacré les huit dernières années de sa vie. Interrompu en 1880, le monument de papier élevé par l’auteur du Dictionnaire des idées reçues à la bêtise contemporaine, parut l’année suivante, inachevé. Un siècle et quelque après, Frédéric Berthet (1954-2003) réveille les deux greffiers – qui n’étaient pas tout à fait morts. Sortis d’une longue sieste, ils sont réactivés, tels des espions, des taupes. Les voici dans la France des années 1980. Bouvard et Pécuchet font de leur fermette normande le siège d’une radio libre. Ils se réconcilient avec l’entreprise, créent des emplois. Puis, ruinés, montent à Paris. Découvrent le Minitel, la Bourse, l’homosexualité, le fitness. Enfin se rendorment, non pas assommés, plutôt bercés par la cadence légère du style de Berthet.

Ou de Flaubert corrigé par Berthet ? En matière de pastiche, celui-ci a un prestigieux devancier, le Marcel Proust de 1896, signant à 25 ans un Mondanité et mélomanie de Bouvard et Pécuchet. S’amusant déjà du système d’apposition flaubertien : des séquences de trois vocables ou membres de phrase. Chez Berthet, cela donne : « Il faudrait veiller à s’habiller autrement, suivre les tendances, connaître des adresses. » L’auteur de Daimler s’en va ne vouait sans doute pas moins que Flaubert une haine farouche à son époque. Plus modeste dans ses visées que son modèle, il tire de ses observations aiguës un nectar subtil, qui se boit comme du petit-lait. Bouvard et Pécuchet demeurent des imbéciles, propres à s’extasier ou se consterner comme des enfants. Mais leur désir boulimique de savoir, dominant chez Flaubert, est ici un souci constant d’être dans le coup. Pathétiques et touchants, ces fantômes dépareillés escortent Frédéric Berthet dans une promenade littéraire sans lendemain. Ce Retour fut en effet son dernier livre (1), et le fait regretter.

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