Le Peuple et les choses. Paris au XVIIIe siècle
Promenez-vous sur les Champs-Elysées, achetez une ombrelle et détournez le regard si quelque spectacle indécent surgit de derrière les bosquets. Baignez-vous dans la Seine, fleuve qui charrie les immondices urbaines, ou persuadez-vous que l'eau est guérisseuse et poétique. Et, en marchant dans les boueuses rues parisiennes, prenez garde à ce que les gouttières ne déversent pas tout ce qu'elles retiennent, plâtre ou ordures… Ce superbe petit livre d'Arlette Farge, historienne spécialiste du XVIIIe siècle, pourrait n'être qu'une suite des nombreux ouvrages qu'elle a consacrés au Paris du siècle des Lumières. Mais ici, elle explore le « choc sensoriel » de la ville en proposant une attention aux choses, à tous ces objets qui participent de la vie urbaine et de ses habitants.
Affiches, enseignes, lanternes, abreuvoirs… sont les éléments d'un univers, à la fois immobiles, utilitaires, chargés de symboles ou témoins silencieux des amours ou des crimes. Ainsi la fontaine est-elle à la fois le lieu d'une halte, endroit de rendez-vous ou pourvoyeuse d'eau fraîche. Ainsi la charrette est-elle objet de réglementations, moyen de transport et source d'accidents autant que de nuisances sonores.
Si l'on croise Louis Sébastien Mercier ou Rétif de la Bretonne, que l'on ne s'étonne pas de trouver aussi des références aux philosophes et aux anthropologues dans ce livre qui étudie comment une histoire commune s'est tissée entre les objets et les hommes. Ce qui est inanimé, visible, et qui occupe l'espace urbain, ce qui semble anodin à force d'être indispensable, prend un singulier relief dès lors qu'il est relié aux activités humaines. C'est la leçon de ce magnifique essai, d'une grande élégance de style, qui prolonge la découverte de cette ville si lointaine et si proche.r
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