Ah ! le beau métier de journaliste. Et ses missions qui fleurent bon le sacerdoce : « dévoiler », « révéler », « faire la lumière »… Las ! Les chemins de la vérité sont semés de casseroles que les Rouletabille de tous poils oublient de ramasser. A combien de séductions, de petits mensonges « nécessaires » les journalistes ne se livrent-ils pas, en effet, pour obtenir des informations exclusives et croustillantes ? Quels stratagèmes, ruses, flatteries n’ont-ils pas fignolé pour décrocher la confession qui tue, le scoop qui fera leur gloire ? Questions complexes, réponses souvent confuses.
L’excellent récit Le Journaliste et l’Assassin s’y attelle avec finesse. Une histoire vraie, racontée il y a une vingtaine d’années dans le magazine The New Yorker par la journaliste américaine Janet Malcolm, et publiée pour la première fois en France. L’intrigue est simple. A la fin des années 1970, un médecin, Jeffrey McDonald, est accusé du meurtre de sa femme et de ses deux filles. Un célèbre reporter-écrivain, Joe McGinniss, croise sa route. Les deux hommes topent sur un projet de livre. La relation « de travail » s’installe, et bascule dans l’amitié, le suspect se livrant en toute confiance au journaliste, convaincu que ce dernier croit en son innocence. Quatre ans passent : quand le livre sort, ce n’est pas l’innocence, mais la culpabilité de McDonald que le journaliste défend. C’est en meurtrier psychopathe qu’il a dépeint son « ami ». Mensonge ? Trahison ? Ignominie ? Un autre procès commence alors devant les tribunaux américains : celui du reporter, accusé d’avoir manipulé son sujet pour obtenir la chair et le sang d’un récit à la Truman Capote…
Bel ouvrage de non-fiction narrative, Le Journaliste et l’Assassin dévide la pelote machiavélique des relations entre l’auteur et son sujet, livre une fine analyse — au sens psychanalytique du terme — du métier de journaliste, et offre quelques bonnes raisons de balayer devant notre porte…
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