Le Génie du mensonge

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Le Génie du mensonge

Les philosophes mettent-ils leur existence en accord avec leurs idées ? Mènent-ils la vie présupposée par leur théorie ? C’est cette relation, ou distorsion, qu’explore François Noudelmann dans Le Génie du mensonge. Un essai poil à gratter qui montre que, bien souvent, les penseurs bâtissent la vérité de leur discours sur le socle d’un mensonge. Ils s’adonneraient ainsi à leur construction intellectuelle non pas « bien qu’ils » se comportent autrement, mais « parce qu’ils » vivent justement le contraire de ce qu’ils théorisent.

La plénitude sage et rêvée de la « vie philosophique » vole ici en éclats. Ainsi Jean-Jacques Rousseau a-t-il écrit l’Emile, son traité d’éducation dans ­lequel « il se présente comme un père ­attentionné », tout en ayant abandonné ses cinq enfants. Ainsi Jean-Paul Sartre a-t-il réinventé la figure de l’intellectuel engagé alors qu’il était resté passif ­durant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi Gilles Deleuze s’est-il fait le chan­tre du nomadisme sans jamais sortir de chez lui. Imaginez encore un orgueil­leux signant un traité sur l’humilité, un narcissique faisant l’apologie de ­l’altruisme ou un dénonciateur du ­capitalisme thésaurisant sans relâche… Ces zigzags dérangeants fascinent l’essayiste, qui force la complexité du ­mensonge jusqu’à en revendiquer une approche « amorale ». Machine créatrice, le mensonge se pare toujours des habits du vrai. Confession masquée, il révèle la multiplicité de l’identité, ­brisant la transparence et la continuité rassurantes entre un penseur et sa ­pensée. Mais alors, « qui sommes-nous lorsque nous pensons ? Nous-mêmes, ou quelqu’un d’autre ? » — Juliette Cerf

 

Ed. Max Milo, 332 p., 18 €.

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