Le Fils du Yéti

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Le Fils du Yéti

Il y a des images qui refont surface en pointillés d’un passé resté en vrac. Comme l’ultime case, à jamais bouleversante aux yeux du héros, de Tintin au Tibet. Ou, plus douloureuse, cette photo de famille retrouvée révélant, en une fraction de seconde, « le désarroi » de son père « qui n’avait pas eu le temps de composer son personnage de héros indestructible ». Trois semaines plus tard, il était mort. On l’avait alors caché à l’enfant qui, pensait-on, n’était pas, à 3 ans, « en âge de comprendre ». Cette blessure soudain ravivée courra en filigrane d’une chronique jalonnée de morts en rafale : un ami d’enfance (perdu de vue), sa grand-mère (qu’il croyait déjà disparue), un prof (en flash-back), Paul McCartney (selon une légende tenace), sans oublier un chien (par hasard). Didier Tronchet use de ce ressort funèbre sans en faire un drame. Pas le genre d’un auteur réputé pour s’être payé la tête de ratés hyperboliques, dans une veine comique affreusement drôle. Longtemps, Tronchet s’est avancé masqué, glissant dans la caricature à fort effet de souffle, les signes d’une réelle empathie pour une humanité larguée, naïve, désarmée. Aujourd’hui, il se démasque pour de bon. Laisse filtrer l’émotion simple, immédiate, esquive les grands mots, gère, tout en demi-sourires de contrebande, un solde de tout compte intime, plus doux-amer qu’exhibitionniste. En fait, que ce personnage sans nom soit ou non un autoportrait déguisé importe assez peu. Car ce que Tronchet a inventé semble couler de source, dans un registre aussi attachant que ce « fils du yéti », maladroit, velléitaire, indécis, et d’une remarquable lucidité dans l’autodérision : « J’ai pesé le contre et le contre, ce qui est une de mes spécialités… et je me suis abstenu. » — Jean-Claude Loiseau

 

Ed. Casterman 200 p., 16 €.

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