Le Cinéma, art subversif

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Le Cinéma, art subversif

« Il suffirait que la paupière blanche de l’écran puisse refléter la lumière qui lui est propre pour faire sauter l’Univers » ; c’est sur cette promesse explosive de Luis Buñuel — avec, en couverture, l’image de l’oeil au rasoir du Chien andalou — que s’ouvre Le Cinéma, art subversif. Paru en 1974 et aujourd’hui réédité par les éditions Capricci, ce livre est une référence pour nombre de cinéphiles et de cinéastes, dont le Catalan Albert Serra, réalisateur radical du Chant des oiseaux, qui en signe une préface ô combien enthousiaste… Marqué par la modernité des années 1960, l’auteur, Amos Vogel (1921-2012), programmateur du Cinéma 16, l’un des grands ciné-clubs new-yorkais, et cofondateur du Festival du film de New York, célèbre ici la puissance subversive du septième art, qu’il soit surréaliste, expressionniste, révolutionnaire, etc. : la façon dont il brise les conventions esthétiques ou morales et transgresse les tabous visuels, comme le sexe ou la mort. Cette exaltation, assez datée, de la subversion comme vérité du cinéma se fait au détriment de toute autre forme d’image un tant soit peu commerciale ou « salie » par la télévision…

Largement illustré, ce livre document se distingue surtout par sa forme originale, qui alterne développements généraux, notices critiques sur des films et commentaires de photogrammes (souvent excellents). Ainsi, un plan de L’Eclipse d’Antonioni (Monica Vitti sur les « terrains vagues du monde moderne ») côtoie un prélèvement de L’Heure des brasiers de Fernando Solanas (le visage mort de Che Guevara), et une photographie, prise durant le tournage de La Voie lactée, de Buñuel portant la grosse croix en bois (« Il la combat mais ne peut s’en détacher »…). Un livre touchant, car comme l’écrit bien Serra, Vogel se demande toujours « quelle est la sensation que ces images provoquent dans son « moi subjectif », dans le coeur, dans la tête, mais aussi dans le corps ». — J.Ce.

 

Film as a Subversive Art, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Frégnac, éd. Capricci, 352 p., 29 €.

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