Le Brady, cinéma des damnés

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Le Brady, cinéma des damnés

« Mais… qu’est-ce que vous faites dans ma chambre ? » demande, au fond, un spectateur mal réveillé, alors qu’un autre, au premier rang, se grille des saucisses sur un réchaud de camping Butagaz. Héros d’un récit signé Jacques Thorens, qui y fut projectionniste au tout début des années 2000, le cinéma le Brady, situé au 39, boulevard de Strasbourg, dans le 10e arrondissement de Paris, apparaît pour ce qu’il fut (mais n’est plus) : « un dortoir avec des images », « l’hôtel le moins cher de Paris », une « bouée » pour ceux qui « avaient presque touché le fond », « assemblée de pauvres aux tronches hirsutes, qui se grattent, mangent dans la salle et fument dans les toilettes », « club de rencontres de l’homosexualité masculine, maghrébine et principalement de troisième âge ». Temple du cinéma bis, bien avant que Quentin Tarantino ne mette le genre à la mode, royaume de l’épouvante et des mad movies, le Brady a longtemps attiré une faune haute en couleur que l’auteur croque ici avec un regard à la fois tendre et acerbe.

Signant là son premier récit, Jacques Thorens invente une forme originale : une série de fragments, qui reviennent, litanie kaléidoscopique et encyclopédique de ce lieu damné. Autant de coups de projecteur portés sur le cinéma le Brady et le sexe ; sur le cinéaste Jean-Pierre Mocky, ce « SDF de la pellicule », propriétaire des lieux de 1994 à 2011 ; sur Django, un habitué, ancien para et proxénète, soiffard le jour et chiffonnier la nuit ; sur le quartier alentour, Château-d’Eau, ses coiffeurs africains et ses prostituées bulgares ; sur les titres des films : Le Sadique aux dents rouges ou Tire pas sur mon collant, La Femme nue et ­Satan ou Les Quatre Karatékas de l’apocalypse, etc. Nous étions prévenus : « Tout ce qui paraîtra outrancier ou improbable est authentique. » — Juliette Cerf

 

Ed. Verticales, 368 p., 21 €.

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