L’Atelier des morts

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L’Atelier des morts

Au coeur de cette implacable radiographie familiale, il y a le père, Léon Fabien, tyran domestique, « injuste et pathétique, cruel et douloureux ». L’auteur y revient pour la troisième fois, celle-ci pour en finir. Léon Fabien occupait déjà la place centrale de Moi les animaux (1996), récit de la petite enfance, où l’homme ne pouvait encore être nommé, sinon par ces trois lettres, avec une majuscule : « Lui ». Dans Nelson le simple (1999), deuxième volume de la trilogie, celui de l’adolescence, l’auteur s’approchait plus près mais indirectement, par le truchement du conte, Léon Fabien était « Lours ». Avec L’Atelier des morts, le texte de l’âge adulte, Daniel Conrod l’affronte à visage découvert. Il le nomme, le place au centre exact du livre, troisième personnage sur une série de cinq : un frère aîné, mort inapaisé après une existence inaccomplie, une mère partie prématurément, écrasante figure de sainteté, un oncle ­abbé, qui, pendant la guerre, a choisi de combattre aux côtés des nazis, et une éphémère demi-soeur, morte avant même d’avoir vécu.

L’auteur s’adresse à eux à la deuxiè­me personne du singulier, celle du face-à-face. La langue est vive, âpre et inspirée, le regard sans concession, le texte d’une violence parfois étourdissante. Dans la nuit pourtant, l’auteur cherche la lumière de la vérité. Il se délivre et, dans le même mouvement, libère sa famille de la malédiction. La souffrance est intacte, ineffaçable. Les défunts ne meurent pas, ils sont présents toujours, fragiles, inconsolés, ils nous poursuivent et nous hantent. Mais c’est la vie qui triomphe, in fine, par-dessus les tombeaux. — Michel Abescat

 

Ed. Buchet/Chastel, 192 p., 14 €.

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