Lartigues & Prévert

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Lartigues & Prévert

Il y a le cadavre d’un homme jeune, abattu d’une balle de fusil, et une question qui n’a pas fini de tourner en boucle dans le coin : « Qui a tué ? » Cela suffirait à identifier un polar, si l’auteur, jouant à désosser l’intrigue façon puzzle, ne se livrait à une intrigante déconstruction du genre. Les Lartigues et Prévert du titre (rien à voir, ni de près ni de loin, avec leurs homologues célèbres…), amis depuis toujours, traversent une mauvaise passe — l’un est à la dérive, l’autre l’a recueilli mais vient de se faire larguer par sa femme. Ils végètent entre une épicerie de village qui ne leur rapporte rien et une contrebande de cigarettes qui ne peut que leur attirer des ennuis. Le jour, donc, où ils découvrent un cadavre dans le coffre de la voiture qui a servi pour leur dernier trafic, ils flairent l’embrouille et partent se planquer à la campagne. La suite, c’est une lente et insidieuse désagrégation de leur amitié, minée par la suspicion angoissée de l’un et la désinvolture provocante de l’autre.

Le récit fonctionne comme une espèce de goutte-à-goutte d’indices qui n’en sont peut-être pas (on pense à l’omniprésence d’un certain blaireau empaillé…), tandis que les témoignages et les informations périphériques à l’action sont autant de (re)touches au tableau d’existences engluées dans la malchance et la médiocrité. Benjamin Adam y applique une grille graphique décisive : trait vif dans le détail, composition foisonnante, géométrique et millimétrée de chaque planche, codes couleur d’une immédiate efficacité. Et c’est ainsi, par le dessin, par les tensions qu’il crée et les pistes qu’il ouvre, que ce vrai-faux exercice de style, tout en ruptures et détours calculés, finit par imposer une persistante acuité.

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