L’Arc-en-ciel de verre

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L’Arc-en-ciel de verre

Penser que James Lee Burke n’est qu’un auteur de romans policiers serait une lourde erreur. Elle ne mènerait certes pas dans les geôles de Louisiane, mais priverait un lecteur étourdi d’un des grands écrivains américains actuels. Cette dix-huitième histoire mettant en scène le personnage principal de Burke, Dave Robicheaux, shérif adjoint au commissariat de New Iberia, en apporte, s’il était besoin, une preuve infaillible. Dans L’Arc-en-ciel de verre, James Lee Burke façonne une histoire qui peut se lire de l’aube au crépuscule, exposant tout ce que le genre humain peut produire de visqueux ou d’intègre. Enquêtant sur le meurtre sordide de jeunes filles, Dave Robicheaux doit affronter une panoplie de crapules hautes en couleur : Herman Stanga, dealer, violeur et assassin ; Robert Weingart, ancien taulard cynique ; Vidor Perkins, tueur sans scrupule ; sans oublier la famille Abelard, dont l’arbre généalogique est truffé d’injustices et de violence, et dont le rejeton, pâle séducteur, présente l’inconvénient majeur de sortir avec Alafair, la fille adoptive de Dave. A ses côtés, notre héros peut compter sur Clete Purcell, détective privé, une sorte d’armoire à glace irlandaise avalant les sandwichs aux crevettes et les verres de bière agrémentés de Johnnie Walker. Un ancien collègue, mais un véritable ami.

L’amitié : pas un vain mot pour Robicheaux, qui essaye toujours de sauver Clete des sombres abîmes où celui-ci plonge. Car Clete est un cataclysme à lui seul, collectionnant les ennuis : « Où que tu ailles, lui dit Dave, cinq minutes après ton arrivée, le plâtre tombe du plafond. T’es comme un train qui essaie de rouler sur un chemin de terre. » Dialogues au cordeau, humour, insultes réjouissantes ou glaciales, tout y est. Mais Dave Robicheaux habite une région, la Louisiane, dont le décor engendre haine, désespoir et passions. Les bungalows de stuc abandonnés devenus refuges des junkies, les hautes maisons à colonnades aux volets antitempête et aux balcons de fer forgé rongés de moisissure, les vieux couvents, les ponts mobiles qui enjambent le bayou Teche sont les témoins silencieux d’un environnement détruit par l’industrie pétrochimique, les ouragans, la corruption politique et la pauvreté d’une population à la dérive. Survivre ici est une gageure, et rester soi-même en est une autre. Robicheaux est un enfant du pays qui trouve son équilibre en regardant une nature vivante : les cyprès et les chênes, les jacinthes flottantes, les pacaniers et l’éternel combat entre la terre et l’eau, dont les bayous sont les cicatrices ensor­celantes. Une nature qui attise la violence quand les cadavres sont retrouvés décomposés dans les filets d’algues sèches. Qui sait aussi fournir des instants de bonheur quand les hommes pêchent et font bouillir les crabes.

Mais les rêves et les cauchemars qu’elle recèle surgissent sans prévenir. Dave Robicheaux, les pieds sur terre, devine pourtant les connexions entre « le monde matériel et le monde invisible ». Dans la brume, les silhouettes de l’histoire des Etats-Unis réapparaissent à qui sait les voir : au fond du bayou sommeillent des canonnières confédérées de la guerre de Sécession, des cadavres en uniformes yankees, les âmes perdues des soldats d’un autre temps. Surgissent aussi des bateaux à aubes du XIXe siècle soulevant des tourbillons d’écume et, toujours, les visions de la guerre du Vietnam dont Robicheaux est un vétéran. La Louisiane de James Lee Burke, lointain complice de William Faulkner et de Flannery O’Connor, est un éden détruit. Mais Dave Robicheaux est un de ces hommes qui veilleront toujours à ce qu’elle ne sombre jamais tout à fait.

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