L’âme des horloges

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L’âme des horloges

Quel maelström ! Quels abîmes et vertiges, quels mystères et fascinantes obscurités… On sort sonné de cette invraisemblable Ame des horloges qui fait valser en quelque brûlantes huit cents pages l’ici et l’au-delà, l’éternité et l’instant, les morts et les vivants, l’hier et le futur. Un futur à demi détruit, avouons-le, par les abominables catastrophes naturelles qu’auront causées sur la planète la conduite irresponsable des hommes, leur mépris de la nature, leur volonté de puissance. Fable écologique, politique ? Récit de science-fiction ? Fresque familiale de 1984… à 2043 ? Le Britannique David Mitchell, 48 ans, brasse les styles à travers une écriture si détaillée, si visuelle qu’on pourrait se croire, encore, dans une de ces séries télé multiformes et cinglées dont on raffole. Ici, c’est le réalisme qui démultiplie l’imaginaire. L’histoire commence avec l’adolescence tumultueuse d’une gamine amoureuse et effrontée, et bizarre, Holly Sikes. Depuis des années, cette fille de patrons de bar d’ascendance irlandaise entend des voix, est catapultée mentalement dans des mondes où elle côtoie des femmes étranges… Holly a des dons paranormaux, c’est sûr. Mais pour quoi en faire ? Elle ne sait pas. En souffre. Un médecin la guérit. Mais voilà qu’après un désespoir sentimental Holly fugue, et tout se détraque à nouveau. Son jeune frère disparaît.

Chaque décennie des soixante années qui abrite l’histoire est vue et vécue par un personnage différent. Et les histoires s’emboîtent comme dans Cartographie des nuages, autre saga fantastique du même brillant romancier. Il ne s’agit au fond que de l’éternelle quête de l’immortalité. Ici, entre Anachorètes (les méchants) et Horlogers (les gentils), dont la lutte hyper technique autour de l’icône du « cathare aveugle » et au royaume du Vêpre restera un poil énigmatique aux non-initiés… On prend pourtant un compulsif plaisir au gré des multiples incarnations-désincarnations, apparitions-disparitions d’une galerie de personnages qui vont du reporter de guerre en Irak au sage chinois du XIIe siècle. Car comme le dit à la fin l’increvable Holly, qui aura massacré tous ses cancers : « Pour qu’un voyage commence, il faut qu’un autre se termine. » — Fabienne Pascaud

 

The Bone Clocks, traduit de l’anglais par Manuel Berri, éd. de l’Olivier, 782 p., 25 €.

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