L’Absente

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L’Absente

Ce n’est plus un secret, Lionel Duroy a maille à partir avec sa famille depuis… sa naissance, et l’écriture de romans presque exclusivement consacrés à ces tensions généalogiques l’a conduit à rompre avec sa lignée, peu friande de ses lavages de linge sale à l’encre noire. Toutefois, au fil du temps, une nouvelle famille s’est créée autour de lui, qui ne cesse de s’agrandir depuis le succès du Chagrin : celle de lecteurs toujours plus avides de retrouvailles, frères et soeurs de substitution se sentant chez eux dans ses livres, où ils entrent comme dans de vieux chaussons confortables, laissés sur place lors d’une précédente visite. Une même excitation s’empare des fidèles, à l’idée de retrouver Toto, chef de famille défectueux et lunaire, Suzanne, sa femme au bord de la crise de nerfs depuis son déclassement social, et leur ribambelle d’enfants, experts en survie par temps d’orage tribal.

L’attachement vient du talent de conteur de Lionel Duroy, qui revisite son histoire personnelle, encore et toujours, sans jamais donner l’impression de se répéter. Question de langue, corrosive, vivante, très déliée. Et, surtout, question de point de vue, de juste place, que Lionel Duroy parvient toujours à occuper dans son récit, pour que le règlement de comptes ne l’emporte pas. Roi de l’autodérision, le romancier ne s’épargne jamais, n’hésite pas à se montrer en situation de faiblesse, de lâcheté, de ridicule. Il promène ici son précieux vélo Singer comme un animal de compagnie hors de prix, s’immisce dans la vie de pique-niqueurs rencontrés sur une aire d’autoroute, envisage d’Commander une station-service pour finir pompiste avant la retraite… Il n’est pas rare d’éclater de rire à la lecture de ce nouvel opus, qui recèle des moments de pure comédie, comme ce passage où l’auteur se fait passer pour un décorateur d’intérieur dans le château où sa mère vécut autrefois, afin de fouiller dans les placards et subtiliser des photos de famille oubliées.

L’absente du titre, c’est la génitrice de Lionel Duroy, figure de proue échevelée, criarde, égocentrique, blessée, de toute son oeuvre. Pour la première fois, elle apparaît comme une femme sensible, positive, aimante. Comprise, depuis ses fondements jusqu’à ses lignes de fuite. Beau tour de force que d’avoir réussi à écrire un roman de l’apaisement aussi trépidant. Chez Lionel Duroy, il faut toujours chercher le calme pendant la tempête, et non pas après. Ce goût pour le mariage des contraires lui vient peut-être du couple parental, mal assorti, mais créateur d’un grand écrivain. — Marine Landrot

 

Ed. Julliard, 360 p., 20 €.

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