Qu’est-ce que ce livre-là ? Un journal, des Mémoires, une autobiographie ? Rien de bien raisonné en tout cas. A travers ces pages éclectiques, inégales, brillantes ou mièvres, l’académicienne Florence Delay, 74 ans, se promène avec allégresse dans sa vie. Musarde. En ingénue de théâtre. Ou aventurière shakespearienne travestie, au choix. Car le théâtre, depuis l’enfance, est sa vie. Depuis les moments en famille joyeusement ritualisés, depuis l’école et les heureuses années au lycée La Fontaine, à Paris. Florence Delay a le goût du jeu. Est-ce le théâtre qui le lui a donné, ou est-ce parce qu’elle l’avait ancré en elle qu’elle a tant aimé la scène ?
Ne comptons pas sur la romancière pour des confidences, juste des souvenirs à fleurets mouchetés, juste quelques évocations étincelantes : Alfred de Musset, le Siècle d’or espagnol, le Moyen Age du roi Arthur, auquel elle a consacré, avec Jacques Roubaud, un cycle de dix pièces, Graal Théâtre… Celle qui fut à 20 ans la Jeanne d’Arc du cinéaste Robert Bresson (1962) mais choisit l’agrégation d’espagnol plutôt que les planches, histoire de ne pas déplaire au célèbre père psychiatre et écrivain (Jean Delay), se risque rarement dans les abysses et garde ses mystères. Même quand elle tient, de 1978 à 1985, la chronique dramatique des Cahiers de la NRF (1) , Florence Delay évite d’être cruelle, évoque plutôt ses enchantements ou s’amuse à inventer un metteur en scène italien imaginaire.
Reste que l’amie d’Antoine Vitez (qui fut stagiaire auprès de Vilar au Festival d’Avignon, puis brièvement assistante) évoque le petit monde du théâtre avec profondes sensibilité et sensualité mêlées. Et sourire aussi. Le plus émouvant, peut-être, de l’ouvrage est le regard résolument gai qu’elle choisit de porter sur la culture. Fût-il secrètement mélancolique… On en sort avec un bienfaisant sens de l’émerveillement. — Fabienne Pascaud
(1) Sept saisons. Ed. Gallimard, coll. Cahiers de la NRF, 374 p., 26 €.
Ed. Gallimard, 240 p., 18,90 €.
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