La Mélodie du tic-tac et autres bonnes raisons de perdre son temps

Ajouter un commentaire

La Mélodie du tic-tac et autres bonnes raisons de perdre son temps

« Il rêve, il s’ennuie. Il tripote un morceau de cire posé à côté de lui tout en jouant à imaginer que le monde est une illusion, une tromperie qui lui serait suggérée par un malin génie. » Lui, c’est Descartes en personne, héros des Méditations métaphysiques (1641), croqué par un jeune philosophe d’aujourd’hui, Pierre Cassou-Noguès. Notre Descartes national, « assis près du feu, vêtu d’une robe de chambre », tel qu’il se décrit lui-même, serait-il donc un traînard ? « Je traîne donc je suis » ? C’est la piste que s’amuse à explorer Pierre Cassou-Noguès dans son nouveau livre, La Mélodie du tic-tac et autres bonnes raisons de perdre son temps.

« Traîner, écrit l’auteur, cette forme radicale de temps perdu, est au fondement de la philosophie. Elle en fait l’atmosphère, le point de départ : le philosophe traîne dans les rues, traîne dans sa chambre, se demandant inutilement si le monde extérieur a une réalité. » Pourtant, le fait de traîner n’est jamais auréolé ici d’une plénitude. Plutôt d’une étrangeté, celle d’un M. Hulot, par exemple, qui, dans les films de Jacques Tati, sabote le temps et la mécanique collective. « Refoulé de la vie ordinaire », quasi invisible et coupé du monde, le traînard ne coïncide pas avec lui-même. Voilà d’ailleurs pourquoi le livre (et film) génial de Georges Perec, Un homme qui dort (1967), interpelle son héros paresseux par un « tu » : « tu marches encore, tu traînes encore », « tu traînes, mais la foule ne te porte plus, la nuit ne te protège plus ». Un je devenant tu : cet instable entre-deux, puissant réservoir de fiction, passionne Cassou-Noguès, lequel n’en demeure pas moins taraudé par sa mauvaise conscience – « traîner est une affaire de petit-bourgeois. Celui qui traîne a un travail, de l’argent, un toit. Il ne craint rien. Il dispose de son temps »… Cette voix réprobatrice ne l’a pourtant pas empêché d’écrire, en toute liberté, ce livre « inefficace », sans thèse définitive, essai qui se construit en languissant et se lit en traînant.

Ses détracteurs, avides de donner une direction plus nette à leur envie de ralentir et d’apprendre l’« art de la solution lente dans un monde accro à la vitesse », pourront opter pour Lenteur, mode d’emploi (1) , guide du journaliste canadien Carl Honoré, apôtre du Slow Movement. Il nous rappelle cette confession d’Albert Einstein : « Ce n’est pas que je sois si intelligent, c’est juste que je me penche plus longtemps sur les problèmes » ! Ces deux livres tombent en tout cas à pic, alors que paraît en édition de poche la théorie du philosophe allemand Hartmut Rosa, Accélération (2010) (2) . Tout s’accélère partout, mais nous vivons pourtant une famine de temps. Tic-tac, tic-tac…

Commandez le livre La Mélodie du tic-tac et autres bonnes raisons de perdre son temps

Laisser une réponse