La Maison aux insectes

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La Maison aux insectes

Cinquante nuances de… noir ! Le gris, Kazuo Umezu le laisse aux autres mangakas. Trop tiède, trop convenu. Plus qu’une signature, le noir est, pour le grand maître de l’horreur nippone, une authentique passion qui s’exprime dans La Maison aux insectes, un recueil de nouvelles graphiques. A la différence du noir de Soulages qui joue avec la lumière, celui d’Umezu l’absorbe et jette une ombre inquiétante et venimeuse sur les personnages et les décors les plus anodins. Sous son pinceau, même la joie solaire des bains de mer estivaux devient une source d’angoisse. On a envie de crier à tous ces baigneurs insouciants de sortir au plus vite de ces flots glauques et obscurs !

Englués dans cet univers comme des mouches dans la mélasse, les « héros » d’Umezu se débattent, mais il n’y a pas de salut, même dans le fantastique. Qu’ils remontent le cours du temps pour changer de vie (« La fin de l’été »), s’évadent grâce à la magie (« La bougie ») ou au meurtre (« La tête »), ces couples empoisonnés par l’adultère, la peur ou le mépris, ces personnages falots et médiocres ne font que reculer une échéance irrémédiable. Et, d’une certaine manière, le spectacle de leurs soubresauts pathétiques nous transforme en voyeurs… Marquée par l’esthétique et le pessimisme du gekiga, les mangas réalistes des années 1950, l’oeuvre d’Umezu n’a rien d’un hymne à l’amour universel. Même s’il a suspendu sa carrière de dessinateur, le facétieux octogénaire demeure la référence ultime du manga d’horreur. Ces courtes histoires, publiées au tournant des années 1970, sont la meilleure introduction à son oeuvre, encore peu traduite en France. — Stéphane Jarno

 

Traduit du japonais par Miyako Slocombe, éd. Le Lézard noir, 216 p., 15 €.

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