La Loi sauvage

Ajouter un commentaire

La Loi sauvage

Il a suffi d’un mot – « catastrophe » – pour que tous les autres se dérèglent. Un mot comme un virus, aux effets sournois et foudroyants. « La phrase serpente sous ma peau, explore les bras, les jambes, le cou et finit par se loger dans le ventre. » La narratrice est bousculée, vacille, perd pied. Elle a rencontré la maîtresse de sa fille, dans la rue, qui lui a dit, sans plus de commentaire, votre enfant, « c’est une catastrophe ». Et tous ses mots ont été contaminés. Elle d’ordinaire si soumise, invisible, voit son vocabulaire s’ensauvager. « Tu vas me le payer, sale truie. » Jusqu’aux modes d’emploi, d’aspirateur ou de four, qu’elle rédige pour une société spécia­lisée, un espace de langue aseptisée, carrée, fonctionnelle, qui va tourner au délire verbal : sa vie s’y déverse, le poids écrasant de sa mère remonte à la surface. Les liens qu’elle entretient avec sa fille, fusionnels et délétères, soudain l’étouffent. La femme en elle régresse et le souvenir enfoui d’une ­humiliation terrible, vécue petite, à l’école, revient et la submerge.

Nathalie Kuperman pousse les situations à leur paroxysme, joue aux frontières du réalisme, jusqu’au burlesque, avec le talent qu’on lui connaît, provoquant le rire pour désamorcer la violence dévastatrice qu’elle met en scène. Cette violence si commune, de l’injure, de la stigmatisation, de l’humiliation, qui nous marque pour toujours. Loi sauvage des relations sociales, inhumaine et banale.

Commandez le livre La Loi sauvage

Laisser une réponse