La Haine de la littérature

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La Haine de la littérature

« D’où vient donc cette haine contre la littérature ? Est-ce envie ou bêtise ? L’une et l’autre, sans doute, avec une forte dose d’hypocrisie, en sus », écrivait Gustave Flaubert, dans une lettre de 1867, onze ans après la parution en feuilleton de Madame Bovary, qui lui valut d’être poursuivi pour outrage aux moeurs et à la religion. « L’offense à la morale publique est dans les tableaux lascifs que je mettrai sous vos yeux, l’offense à la morale religieuse dans des images voluptueuses mêlées aux choses sacrées », ­notait l’avocat impérial Ernest Pinard dans son réquisitoire, ajoutant que Madame Bovary aurait plutôt dû s’appeler « Histoire des adultères d’une femme de province »… Cette haine tenace contre la fiction est l’objet du nouveau livre de William Marx, qui enseigne la littérature comparée à l’université de Paris X-Nanterre. Du « grand inquisiteur », Platon, qui, dans La République, exilait les poètes de la cité, jusqu’aux attaques de Nicolas Sarkozy contre La Princesse de Clèves, les ennemis de la littérature n’ont jamais rendu les armes, et ont souvent rejoué les mêmes griefs. Plutôt qu’une approche chronologique, l’essai propose une typologie des quatre grands procès intentés à la littérature au cours des siècles : au nom de l’autorité (« pour en investir d’autres instances »), au nom de la vérité (« la littérature ne vaut rien face à la science »), au nom de la moralité (« la littérature défait toutes les normes ») ou au nom de la société (« on interdit aux écrivains de s’en faire les porte-­parole »). Aux uns et aux autres, qu’ils soient sociologues, scientifiques, théo­logiens ou philosophes, la litté­rature sert de « cible idéale, de souffre-douleur, de repoussoir — de tremplin ». Convaincu que la littérature ne serait rien sans son ombre, l’antilittérature, William Marx se propose de faire « entrer l’accusée ». — Juliette Cerf

 

Ed. de Minuit, 222 p., 19 €.

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