La Frontière du loup

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La Frontière du loup

C’est une histoire de loup. Comme dans les contes. Mais d’aujourd’hui. C’est-à-dire teintée d’écologie, de politique, autant que d’archaïques et sorcières relations entre les filles et les mères, et de très romantiques vertiges autour de l’amour et du sexe… Modernité et tradition mêlées. A 41 ans, la romancière anglaise Sarah Hall sait magiquement entrelacer la nature et l’action, les paysages et les sentiments, les éléments déchaînés et les réflexions et fantasmes ; à la manière très romanesque de ses illustres devancières les soeurs Brontë, au XIXe siècle. L’essentiel de La Frontière du loup, d’ailleurs, ne se déroule pas si loin de ces Hauts de Hurlevent où Heathcliff et Catherine s’entre-déchirèrent… Il y a bien de la passion, aussi, et de la plus noire dans le cinquième opus de la fine et sensuelle styliste, qui prend pour héros un couple de loups, Ra et Merle. C’est par sensibilité — ou caprice — environnementale qu’ils sont réintroduits dans son domaine du nord de l’Angleterre — juste au sud de l’Ecosse — par un richissime et extravagant aristocrate de la Chambre des lords, le comte d’Annerdale. Celui-ci a embauché pour ses bonnes oeuvres écologiques Rachel, experte mondiale en loup et opportunément née sur ces terres qu’agite alors le référendum pour l’indépendance de l’Ecosse toute proche. N’y aurait-il pas justement sournoise manipulation politique dans la volonté du comte de réensauvager ses terres, cinq cents ans après que les loups en furent chassés ? Où commence, où finit le sauvage ? Qu’est-ce que l’éducation, la transmission de l’amour, du plaisir, du désir, du respect de l’autre ? Et cet autre, quelle est la part en lui d’animalité, de sauvagerie ? Comment l’apprivoiser ?

Dans ce roman comme en plein air, c’est toutes ces questions que suggère subrepticement Sarah Hall. Sans théoriser. Juste entre les lignes. Entre les branches des arbres, entre neige et vent, boue et chair. Le long et tumultueux récit file comme un torrent, où les dialogues s’incrustent et s’emboîtent dans la nature omniprésente. C’est magnifique de profondeur et de légèreté, écrit à fleur de peau et de sensation tout en plongeant dans des abîmes de sauvagerie, de haine, de peur, de refus, de fuite, de solitude. Ceux-là même des loups, nos frères. — Fabienne Pascaud

 

The Wolf Border, traduit de l’anglais par Eric Chédaille, éd. Christian Bourgois, 480 p., 25 €.

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