La Fin de l’hospitalité

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La Fin de l’hospitalité

En 1979, les frères ennemis Raymond Aron et Jean-Paul Sartre étaient réunis par André Glucksmann sur le perron de l’Elysée devant le président Valéry Giscard d’Estaing, afin de défendre le sort des boat people vietnamiens. L’image a fait le tour du monde et traversé les décennies. Mais qui, au plan national, s’intéresse au sort des migrants d’aujourd’hui ? Pourquoi l’hospitalité a-t-elle cessé d’être une valeur politique portée par l’Etat, pour devenir une simple valeur privée défendue par des individus ? Comment nos sociétés se sont-elles changées en sociétés du secours — et non plus de l’accueil ? Et comment l’hospitalité a-t-elle même pu être considérée comme un « délit » en 1995 ? Dans La Fin de l’hospitalité, deux philosophes engagés, Guillaume Le Blanc et Fabienne Brugère, répondent à ces questions. Et à l’« appel » que font résonner à leurs oreilles toutes ces vies migrantes.

Après s’être rendus dans différents camps de réfugiés en Europe, les deux philosophes reviennent sur le sens plein de l’hospitalité, qui a couru de l’Antiquité aux Lumières, de L’Odyssée d’Homère à Vers la paix perpétuelle, d’Emmanuel Kant, et qui a largement été réactualisé par Jacques Derrida : cette étrange ambiguïté qui donne le même nom — l’hôte — à celui qui reçoit et à celui qui est reçu ; cet échange de places entre l’invitant et l’invité, consacré par la formule familière « faites comme chez vous ». « Je ne serais pas ce que je suis et je n’aurais pas de maison, de nation, de ville, de langue, si l’autre, l’hôte par sa venue ne me les donnait », synthétise ainsi Derrida… Conscients du risque d’être taxés d’idéalistes à côté de la plaque, alors que « le cynisme est roi » — cynisme qui permet justement « de ne pas considérer ces populations, de les rendre invisibles » —, Guillaume Le Blanc et Fabienne Brugère se proposent de défendre un « réalisme » de l’hospitalité. « Nous devons penser et pratiquer l’hospitalité à l’âge des camps, de la peur de l’étranger et de la méfiance à l’égard du voisin qui peut se révéler un ennemi de l’intérieur », affirment-ils. Vaste programme. — Juliette Cerf

 

Ed. Flammarion, 240 p., 18 €.

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