La Fille sur la photo

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La Fille sur la photo

La force du livre tient à sa voix qui vous enferme, vous agace parfois et vous bouleverse. La voix d’une adolescente de 35 ans, tôt abandonnée par sa mère et qui, toujours, craint d’être délaissée. Une voix fragile, entêtante, qui ressasse et rumine, autocentrée jusqu’au vertige, accrochée au moindre détail de son passé, archéologue de sa propre histoire, dont elle fouille le moindre signe pour en reconstituer le fil et tenter de lui donner un sens. Car Anna est écrivain, souffre de ne pas être reconnue, écorchée vive, éternelle seconde, jamais vraiment à sa place.

Quand s’ouvre le roman, celui qu’elle écrit probablement, elle revient au chevet de sa fille dépressive — ou plutôt celle de son ancien compagnon, cinéaste en vue, de vingt ans son aîné, père de trois enfants qu’elle a élevés pendant dix ans et brusquement quittés. « Nous avions fini par ressembler à une famille tout de même. Je m’y étais greffée et la greffe avait pris. » Anna se raconte dans un va-et-vient haletant entre passé et présent, tente de recoller les morceaux avec celles qu’elle n’ose pas appeler « ses » filles, hésite à reprendre sa place « comme un enfant revient après une fugue », dans une métaphore qui en dit long. Karine Reysset l’observe au plus violent de ses doutes et de ses émotions, puise une nouvelle fois dans ses obsessions — les mères défaillantes, la conquête par les femmes de leur autonomie —, qu’elle creuse de roman en roman depuis L’Inattendue en 2003. Avec une acuité sans cesse renouvelée. — Michel Abescat

 

Ed. Flammarion, 304 p., 19 €.

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