La fille de mon meilleur ami

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La fille de mon meilleur ami

Les habitués le savent, les néophytes le pressentent d’emblée : on n’est jamais trop minutieux, trop circonspect, lorsqu’on entreprend la lecture d’un roman d’Yves Ravey. Jamais trop soucieux de la moindre précision atmosphérique, géographique ou généalogique, de la couleur d’une robe, d’un canapé ou du mobilier d’une chambre d’hôtel, d’un modèle de voiture ou du parfum fruité d’un milk-shake… D’où vient que chaque détail, si réaliste et trivial soit-il – et il l’est, très généralement –, fait l’effet tout ensemble d’élément capital et de bombe à retardement subrepticement déposée, affleurant à la surface d’une prose limpide, n’attendant que le bon moment pour exploser et révéler son potentiel funeste ? Allez savoir, mais c’est ainsi : avant même que s’enclenche véritablement la mécanique de haute précision qu’est toute intrigue d’Yves Ravey, l’attention est aiguë, le lecteur aux aguets – l’œil écoute.

La voix qu’il entend, en l’occurrence, dans La Fille de mon meilleur ami, est celle de William Bonnet – « directeur financier, cycles Vernerey. Montceau-les-Mines », précise sa carte professionnelle. Ou, pour mieux dire, l’une de ses cartes, puisqu’il va s’avérer bientôt que William en possède toute une panoplie, sur lesquelles varient tant son nom que sa profession, sa fonction sociale. On en est troublé, d’autant que ce n’est pas là le seul indice tendant à indiquer que, non, décidément, il faut bien se rendre à cette évidence, ce William n’est pas celui qu’on croyait. Car, au départ, on avait vraiment pensé avoir rencontré un brave type. Flegmatique, serviable, d’une patience d’ange, tandis qu’il prête main-forte à l’encombrante, dépressive, bruyante, alcoolique… en un mot, l’épuisante Mathilde. William se montrant en cela fidèle au serment fait à son meilleur ami, Louis, sur son lit de mort, deux ans plus tôt, de veiller sur sa fille après qu’il aura disparu. Mais voilà que les circonstances – pour résumer : Mathilde, au sortir d’un séjour en psychiatrie, désireuse de revoir son fils, Roméo, confiée à son père et à la nouvelle compagne de celui-ci, Sheila – amènent l’ange gardien à dévoiler peu à peu d’autres aspects, moins vertueux, de sa personnalité et de ses mœurs.

Mais ce processus de révélation ne doit pas induire en erreur : on n’évolue jamais, chez Yves Ravey, dans le roman psychologique, ni même dans la fiction réaliste. Comme les ouvrages qui l’ont précédé, La Fille de mon meilleur ami est avant tout un objet de pure littérature. Un songe tout à la fois ironique, cruel et anxieux, épousant la forme du roman noir, celle aussi d’une représentation donnée par un théâtre d’ombres – dont Yves Ravey est le marionnettiste virtuose.

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