La Douceur de l’ombre

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La Douceur de l’ombre

Il ne sera pas dit que la forêt des recherches historiques sur l’environnement, sur les paysages ou les fonctions sociales et culturelles des espaces boisés, cachera l’arbre — l’arbre unique vers lequel les hommes se tournent pour se retrouver eux-mêmes et méditer. C’est bien le confident, l’interlocuteur végétal et spirituel qui intéresse Alain Corbin, dans cet ouvrage soustitré L’arbre, source d’émotions, de l’An­tiquité à nos jours. Ce spécialiste du XIXe siècle, toujours à la recherche des singularités de notre Histoire et de ses plis qui échappent aux grandes synthèses, élargit ici l’inventaire, allant puiser chez les auteurs de l’Antiquité, dans les superstitions médiévales comme dans les romans et poèmes plus contemporains, les traces de ce colloque singulier entre les hommes et l’arbre.

Tout au long de cette foisonnante et passionnante promenade historique et littéraire, Alain Corbin chemine aux côtés d’auteurs aussi divers que Virgile et Péguy, Chateaubriand et Senancour, Rousseau et Yves Bonnefoy, Victor Hugo, Dante et George Sand. L’arbre, aux essences variées, enfoui dans les croyances et les légendes, est objet de crainte ou d’amour, tour à tour gibet ou refuge, lieu qui abrite la rêverie romantique ou condamne aux supplices. Ancré dans la terre, s’élevant vers le ciel, immobile mais vivant, promis à une longévité qui surpasse de loin celle des hommes, l’arbre est admiré, redouté, et suggère de multiples dialogues avec celui qui le contemple. Ce ne sont pas les arbres des barricades ou les symboles politiques qui retiennent l’attention d’Alain Corbin, mais plutôt ceux que certains hommes prétendent comprendre. Dans les forêts du Maine, au mitan du xixe siècle, Henry David Thoreau écoutait ainsi leurs plaintes, et Lamartine, contemplant les cèdres du Liban, louait, comme le fit aussi Michelet, leur longue vie et leur mémoire, évoquant les « vieux témoins des âges écoulés ».

Témoins mais aussi acteurs. Les Pères de l’Eglise mirent du temps à combattre la dendrolâtrie — comprenez : le culte païen des arbres —, avant d’en accaparer certaines croyances. C’est que l’arbre de la Bible, celui où s’enroule le serpent tentateur, garda longtemps ses pouvoirs équivoques et maléfiques. Victor Hugo évoque les « chênes monstrueux » du bois de Montfermeil dans Les Misérables, et la sidération qu’éprouve le promeneur devant l’arbre peut ainsi passer de l’admiration à l’épouvante. L’anthropomorphisme est toujours à l’affût : peintres ou écrivains, tels Elisée Reclus ou Stevenson, savent trouver dans la « volonté tenace » des arbres le modèle des vertus qui s’appliquent aux hommes, voire aux nations.

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