La Dangereuse

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La Dangereuse

Il y a tout juste un an, en mai 2015, Loubna Abidar était à Cannes. « J’ai mis un caftan couleur fuchsia, très chic, pour la projection du soir. La salle est grande, pleine de monde (…) Les émotions se bousculent dans ma tête pendant que défile sous mes yeux ce film pour lequel j’ai tant donné, souffert et pleuré. » Much loved, le long métrage du cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch, dans lequel la jeune comédienne tient le rôle principal — celui de Noha, une prostituée marocaine —, est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs. Les festivaliers se lèvent, ce soir-là, pour applaudir le film et son interprète, mais il y a bien longtemps que cet instant de grâce a été balayé de la mémoire de Loubna Abidar. Immédiatement dissipé, pulvérisé par la suite des événements : un anathème prononcé conjointement par les médias marocains, les réseaux sociaux et les autorités de Rabat, un déluge d’insultes, de menaces de sévices et de mort. Quelques mois plus tard, le 5 novembre, survient l’agression dont la jeune femme a été victime dans une rue de Casablanca, puis l’exil en France.

Ces épisodes n’interviennent qu’à la fin de La Dangereuse. Dans ce récit autobiographique âpre, impétueux, comme sciemment et fièrement rugueux — à l’image de ce surnom qu’elle s’est donné, Hatar, « la dangereuse » —, Loubna Abidar déroule le fil de son existence depuis l’origine. L’enfance à Marrakech dans les années 1990, dans une famille d’ascendance bourgeoise mais déclassée parce que mixte (mère arabe, père berbère). La violence du père, la prise de conscience progressive de la sujétion imposée aux femmes dans le monde musulman, l’incompréhension et le refus face à cette assignation… Bien sûr, son étendard est féministe, mais Loubna Abidar ne théorise pas. C’est de son expérience personnelle de l’oppression et de la violence patriarcale dans la société marocaine — brutalité dont les multiples cicatrices sur son corps sont les empreintes — que se nourrissent l’énergie, la colère, l’endurance dont témoignent ces pages. Plus qu’une simple autobiographie, La Dangereuse est un livre de combat. — Nathalie Crom

 

Ed. Stock, 198 p., 17 €.

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