La Cravate

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La Cravate

Hiro et Tetsu sont sur un banc. Hiro et Tetsu sont tombés à l’eau depuis longtemps. Au creux du ventre anonyme et réconfortant d’un jardin public japonais, ils confrontent leurs solitudes dans ce livre poignant, en lévitation au-dessus de la honte et de la peur.

Le plus jeune, Hiro, a décroché du système scolaire, et perdu l’usage de la parole comme de l’ambition. Le parc est un point d’ancrage nouveau, où il peut « tomber de son imperceptibilité », après des jours passés dans le noir de sa chambre, à tenter d’oublier qu’il n’a pas su venir en aide à une camarade harcelée par toute la classe, et poussée à la disparition totale. Le plus âgé, Tetsu, est la version nipponne de Jean-Claude Romand, cet imposteur perdu qui feignit auprès de ses proches de travailler pour une organisation internationale, alors qu’il passait ses journées seul sur un parking, et dont Emmanuel Carrère tira son meilleur roman, L’Adversaire. Tetsu n’a pas dit à sa femme qu’il avait perdu son emploi, et somnole pendant ses heures de travail derrière son journal ouvert à la page des sports. La cravate du titre lui appartient, attribut du salaryman déchu de son statut de lien social, et sur le point de devenir nœud coulant suspendu à la potence.

Née de père autrichien et de mère japonaise, Milena Michiko Flasar signe là un premier roman très maîtrisé, sur l’amertume et la reconnaissance. En courts paragraphes, elle saisit les ondes électriques et caressantes qui s’échangent entre deux parias. Sous sa plume introspective, les silences sont chargés de bienveillance, et les paroles porteuses d’une humanité rare. Elle allume des petits feux à toutes les pages, appels au secours dénonçant les ravages d’une société qui broie ses ouailles, foyers de réconfort réchauffant les coeurs glacés. « Si j’avais. Si j’avais été. Rien n’est plus sinistre que le passé du conditionnel », lâche Hiro. Ce livre redonne un présent dense et régénérant à tous ceux qui ont trébuché un jour pour ne plus se relever.

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