La Claire Fontaine

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La Claire Fontaine

Entrer dans une écriture comme on entre dans un tableau. Voir les mots comme des couleurs et le rythme de la phrase, comme des coups de pinceau. Ou de couteau. Telle est l’expérience sensuelle et littéraire qu’offre David Bosc. Qu’il conte les dernières années de Gustave Courbet (1819-1877), et on est saisi, d’abord, par ce style âpre, costaud et paradoxalement travaillé à l’extrême, avec ses mottes de phrases, ses rivières d’images. Tellement que la lecture, parfois, se mérite. Mais pour apporter on ne sait quelle nouvelle sensation de plénitude face à l’œuvre, mystérieusement comprise et pénétrée. Courbet pourtant ne peint plus guère lors de cet ultime exil en Suisse. Il se baigne – ou plutôt, se rue sauvagement dès qu’il peut dans lac et rivières, séduit les femmes, boit jusqu’à douze litres de vin blanc par jour, pour atteindre bientôt les cent cinquante centimètres de tour de taille. Le peintre rebelle et idéaliste vient d’être laminé, rompu par l’Histoire. Peut-être veut-il oublier. Président de l’éphémère Fédération des artistes de la Commune de Paris, il a été condamné en 1871 à six mois de prison pour sa participation à l’insurrection. Puis en 1873 encore à une colossale amende pour reconstruire la colonne de Vendôme, qu’il avait exhorté à déboulonner – elle était pour lui un symbole napoléonien, donc symbole de l’insupportable défaite face à la Prusse. Redoutant d’autres procès, d’autres amendes, il a préféré quitter son atelier, ses amis, sa famille.

Que fait-il ces derniers mois-là, que se rappelle-t-il, comment rumine-t-il son art ? Sans érudition factice, comme naturellement, David Bosc nous fait cheminer aux côtés du peintre, partager son regard, son oreille, comprendre cette passion de la réalité qui est tout sauf plat « réalisme », respect des con­ventions, mais au contraire constante plongée au coeur tumultueux de la vie. Courbet a beaucoup médité la phrase de son aîné paysagiste Camille Corot : « Il ne faut pas chercher, il faut attendre. » Il a beaucoup attendu, laissé parler le silence, vivre les choses. Goulûment, fiévreusement, sans regret, en jouisseur. C’est de cet art de l’attente, du silence, de cet amour brutal et exclusif de l’existence que David Bosc (40 ans et déjà deux romans) nous rend magistralement témoins ici. Et complices. Par-delà ses toiles, par-delà son oeuvre, Courbet continue de nous ouvrir au monde…

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