La Cantine de minuit

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La Cantine de minuit

La gargote n’a pas de nom, le patron non plus. Pourtant, à Shinjuku, tout le monde les connaît. Ouverte de minuit à l’aube, cette cantine minuscule accueille, autour de quelques plats et de flacons de saké, tout ce que ce quartier chaud de Tokyo compte de noctambules. Effeuilleuses, boxeurs, artistes de cabaret, acteurs pornos, prostituées, flics ou yakusas s’y retrouvent pour déguster des mets simples, ramen, soupe miso au porc ou « curry de la veille ». L’exiguïté du lieu, l’heure tardive et, surtout, la passion des Japonais pour leur cuisine poussent aux rencontres…

Un plat, une histoire : sur ces fondations simplissimes, Yarô Abe a bâti un manga feuilleton dont chaque épisode narre le petit miracle d’une rencontre. Loin d’être un prétexte aux rêveries nostalgiques d’un gourmet solitaire, à la manière du regretté Jiro Taniguchi, la nourriture sert ici de trait d’union, de brise-glace entre des urbains habitués à se taire et à regarder leurs chaussures. De ces frictions autour de la sauce soja ou des algues séchées naît la parole : des éloges passionnés, des brèves de comptoir, des rires qui soudain embrasent l’assistance, de la complicité, mais aussi des souvenirs à voix haute, des confidences, des amitiés et des idylles improbables dans tout autre contexte.

Sans pathos ni gros sabots, avec un trait aussi fin et dépouillé que celui des dessins d’Apollinaire, Yarô Abe a fait de sa Cantine de minuit un petit théâtre des émotions majuscules et de l’humanité dans ce qu’elle a de plus attachant. Une série débutée il y a dix ans dans l’archipel et dont le succès ne se dément pas : sept millions d’exemplaires vendus, une cascade de prix, deux films et même une série, dont la première saison est désormais disponible sur Netflix. — Stéphane Jarno

 

Ed. Le Lézard Noir, 300 p., 18 €.

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