La Brûlure

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La Brûlure

Tout commence par un incendie, et déjà l’écriture incandescente de Gisèle Bienne crépite et danse, soufflant le chaud et le froid, crachant de longues phrases hypnotiques, puis soudain quelques mots pulvérisés, secs et définitifs, comme des petits tas de cendre. Cet incendie est celui de la maison de ses parents, un abri qui n’a plus voulu d’elle, le jour où elle a écrit son roman Marie-Salope, en 1976. Pourquoi cette répudiation ? A la relecture, cet écrit de jeunesse (qui reparaît en deuxième partie de La Brûlure) rappelle L’Astragale, d’Albertine Sarrazin. Le cri de rage d’une adolescente qui, « comme un torrent démonté, arrache les herbes vives sur son passage ». Presque quarante ans plus tard, Gisèle Bienne revient sur cette exclusion familiale, cette « brûlure » profonde qui l’a condamnée à de multiples greffes intérieures, principalement faites de mots. C’est une réflexion sur l’écriture, qu’elle mène dans ce nouveau petit roman en forme de retour au pays, de voyage sur sa terre natale, d’expédition dans l’âme blessée des siens. L’art peut causer des dommages à l’entourage du créateur, nombreux sont ceux qui l’ont expérimenté, d’Arnaud Desplechin à Lionel Duroy, en passant par Emmanuel Carrère. Très humaine, c’est-à-dire à l’écoute respectueuse des vibrations et des raisons de chacun, Gisèle Bienne fait table rase du passé. Comme l’incendie qui ne laissa rien de la ferme familiale, son écriture compassionnelle éradique toutes les rancoeurs. « Certaines personnes n’ont pas de parole », lui dit son frère. De qui parle-t-il ? De ceux qui ne respectent pas leurs engagements, ou de ceux qui ne savent pas dire les choses ? Gisèle Bienne sonde l’expression jusqu’au silence. Celui de la paix retrouvée. — Marine Landrot

 

Ed. Actes Sud, 394 p., 22 €.

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