Sa famille, son enfance, sa jeunesse, la romancière et essayiste Myriam Anissimov les avait déjà racontées (1) . Mais pas de cette façon déjantée et cérébrale à la fois, égotiste et violemment ouverte aux autres, désespérée et paradoxalement enthousiaste. Ecrit à la première personne, Jours nocturnes ne prétend pas, pourtant, être une autobiographie. Sauf que l’héroïne y ressemble à s’y méprendre à la brillante biographe de Primo Levi, Romain Gary et Vassili Grossman ; trois écrivains juifs, comme elle, trois résistants à l’épouvante. Du stalinisme, de la guerre, des camps. Autant d’horreurs qui n’ont pas vraiment épargné non plus cette enfant de rescapés de la Shoah, restés militants communistes envers et contre tout. Est-ce pour se libérer de ces illusoires certitudes et d’un malheur qui paraît lui coller à la peau que l’adolescente s’évade de la boutique lyonnaise de sa mère-ogresse, à jamais insatisfaite de sa fille ? Des relations cannibales avec la mère, rien ne nous est caché ; ni des amants, des ratages artistiques, des rencontres tumultueuses de ce récit à clé… Patrick Modiano, Leonard Cohen, Albertine Sarrazin et d’autres filent entre les lignes ; entre asphyxie et hystérie, le Paris intello des années 1960 ressuscite avec une allègre mélancolie. Truffant son texte d’expressions yiddish, pour mieux se nourrir de sa mémoire d’enfance, Myriam Anissimov écrit à coups de griffes. Alterne les scènes de panique et d’exaltation chez son âme s–ur tourmentée, électrisée – aussi – par ce qu’elle pressent des basculements de l’époque. Il y a des portraits bouleversants par leur désespérance, d’autres par leurs extravagances dans ce roman d’apprentissage chahuté, où l’héroïne, chaotique, n’a pas le meilleur rôle. Myriam Anissimov s’en fiche. Elle a le don de la vie, malgré toutes les détresses. Et ce don, ce souffle superbement emportent dans ce nerveux récit à fleur de peau.
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