Journal. 1939-1945

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Journal. 1939-1945

Avocat réputé, essayiste, auteur de pièces de théâtre, Maurice Garçon (1889-1967), dans ce Journal inédit qui couvre les années 1939-1945, est un observateur qui ne semble pas avoir d’idées politiques très arrêtées, mais qui, bien vite, est lucide. Ce grand bourgeois porte quelques stigmates d’un antisémitisme d’époque, mais s’insurge contre le sort réservé aux Juifs. A Paris ou dans sa maison de Ligurgé, il est pendu au poste, la BBC ou la « Téhessef de Pétainville ». Il dîne, rencontre beaucoup de monde : des notables compromis dans la collaboration comme des intellectuels — qu’il connaît en tant qu’avocat de maisons d’édition. De Paulhan à Léautaud, de Coco Chanel à Sacha Guitry, des coulisses du Palais aux prisons où il accepte de défendre Georges Mandel, Gabriel Péri ou un jeune homme qui a tué un Allemand, Maurice Garçon ne cache ni ses doutes ni ses colères. Dès 1939, peu confiant en « l’horlogerie militaire » qui se targue de pouvoir stopper les Allemands, il consigne les rumeurs et observe la versatilité de l’opinion publique. Clairvoyant sur Pétain, dont il note la responsabilité dans le déshonneur de la France, et sur Laval, « maquignon et malhonnête », il dénonce l’implacable étau policier, s’indigne des droits bafoués de la défense, des arrestations et des radiations, de la « terreur » qui s’installe, des razzias économiques consenties aux Allemands par Vichy, de la servilité des magistrats et de la propa-gande éhontée. « Vanter la collaboration, c’est trahir », écrit-il le 28 novembre 1940. A la Libération, révolté par le pitoyable spectacle des femmes tondues par des résistants de la 25e heure, il s’interroge sur le futur régime politique. Un document passionnant, à ranger dans sa bibliothèque au côté des ouvrages de Jean Guéhenno (Journal des années noires) et de Léon Werth (Déposition). — Gilles Heuré

 

Edition établie par Pascal Fouché et Pascale Froment, éd. Les Belles Lettres, 704 p., 35 €.

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