Jacob, Jacob

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Jacob, Jacob

Etre la traductrice attitrée d’un grand écrivain et parvenir à trouver sa propre voix relève du miracle. Pour restituer avec tant de finesse celle d’Aharon Appelfeld, au fil des parutions françaises, Valérie Zenatti a dû s’enfouir corps et âme dans son œuvre si intensément chuchotée. Quand elle ressort la tête pour donner à entendre sa propre musique, aucun mimétisme, aucun haussement du col. L’imprégnation a bel et bien eu lieu, mais l’assimilation s’est faite en bonne intelligence, pour laisser parler ses propres rêveries. Valérie Zenatti porte en elle les oubliés de l’Histoire, les candides au dévouement sans limites, les anges parachutés sur des fronts de guerre lointaine, afin de sauver ceux qui n’ont rien fait pour eux.

Jacob, Jacob, son prénom est martelé, bégayé, dédoublé dans le titre. Le jeune juif de Constantine porte le prénom d’un grand frère mort, il est l’ombre d’un autre, et l’ombre de lui-même. Sa douceur et sa candeur font de lui l’ange idéal pour libérer la France, en juin 1944. Pour décrire ce vol plané vers l’inconnu, ce catapultage vers des cieux opaques et funestes, Valérie Zenatti déroule de longues phrases viscérales, où se bousculent les questions intérieures sans réponses, les déductions inavouables, les régressions paisibles. Le secret de cette écriture sauvage, proche de celle de Laurent Mauvignier, vient d’un grand attachement à l’enfance. Si la romancière a trouvé le ton juste pour dire la cacophonie destructrice qui peut tonner dans une cervelle d’homme en guerre, c’est qu’elle écrit à hauteur d’enfant. Avec cette lucidité impulsive, ce regard à la fois immédiat et distant, cette sensibilité aux goûts, aux formes et aux couleurs des sentiments. Et cette rage dans un écrin d’innocence.

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