Il était une ville

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Il était une ville

Une ville, à l’hiver de sa vie, dans l’étrange beauté de sa ruine. Paysage dévasté où le silence résonne, rues et quartiers comme pétrifiés, maisons abandonnées, fenêtres condamnées par des planches clouées à la hâte. Friches industrielles envahies par les herbes et les ronces, écoles fantômes, squelettes d’immeubles au bord de l’effondrement. Detroit, ancienne capitale de l’automobile, juste après la crise des subprimes, en septem­bre 2008, comme un décor de science-fiction, vidée de ses habitants. Thomas Reverdy exprime de manière troublante la poésie mélancolique de ce monde à l’envers où « flottent malgré tout des étoiles », ses charmes délétères, la grandeur de ses ciels, l’incongruité fascinante des images de sa désolation.

On avance à pas comptés dans ce roman éblouissant d’émotions, portées par une prose charnelle, infiniment pudique et sensible. Sur les traces de Charlie, entraîné dans l’aventure d’une bande de gamins manipulés par un dealer, de Gloria, sa grand-mère, qui remue ciel et terre pour le retrouver, du lieutenant Brown, flic sur le retour, chargé de l’enquête sur les disparitions d’enfants. Et d’Eugène, jeune ingénieur français, victime de la faillite de son entreprise. Candice enfin, la serveuse au « sourire brillant et rouge ». Thomas Reverdy joue en mode mineur des codes du roman noir américain pour dire l’effondrement d’une certaine idée de la modernité.

Car, à travers celles de Detroit, de l’industrie automobile rationalisée par le taylorisme qui prétendait réconcilier toutes les dimensions de la vie, de ses promesses de liberté et de bonheur version american way of life, ce sont les ruines de notre propre civilisation que le roman invite à contempler, de la même manière que l’on déambule, fasciné, sur l’Acropole d’Athènes. « Que le dernier qui parte éteigne la lumière », plaisantaient les habitants de Detroit après « la Catastrophe ». Le roman pourtant ne finit pas dans l’obscurité. La vie, malgré tout, reprend ses droits. Le monde est à recommencer. — Michel Abescat

 

Ed. Flammarion, 272 p., 19 €.

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