Histoires révérées

Ajouter un commentaire

Histoires révérées

A la lecture du titre, on soupçonne la faute de frappe. Mais Mia Couto n’est pas homme à se contenter d’histoires rêvées. L’auteur du magnifique Accordeur de silences n’a jamais pu couper le songe et l’éveil. Ses histoires révérées sont avérées, du moins dans la bouche de ceux qui les racontent. Le titre aurait même pu être « Histoires rêvraies », tant elles sont à la fois oniriques et ancrées dans la réalité du Mozambique, et tant elles regorgent de mots-valises d’une magistrale inventivité. Les personnages y hulurlent, désavoisinent, contreparolent, s’airphyxient, se décomportent, se déseffondrent, sont négligentifiques, splendouloureux, inarrêtés, absentendus, contemplinactifs. A se demander si Claude Ponti, célèbre créateur de mots dans ses albums pour la jeunesse, n’a pas séjourné dans la même résidence de traduction du centre culturel français de Maputo que la remarquable traductrice Elisabeth Monteiro Rodrigues, à laquelle il convient de rendre hommage. Grâce à elle, ces nouvelles (parues au Mozambique en 1994) sont un régal de bouche. Très brèves, admirablement condensées sur trois ou quatre pages, elles s’ouvrent et se ferment comme des paupières sur des yeux brillants. Le temps de nous donner accès, dans leur reflet éblouissant, à la vérité d’êtres extraordinaires.

Des femmes, pour commencer. Libres, clairvoyantes, ensorceleuses, car Mia Couto a toujours su camper des personnages féminins qui en savent plus que les hommes, terrorisés parce que « leurs idées naissent quelque part au-dehors de la pensée. Notre peur vient de là : nous ne déchiffrons pas l’intelligence des femmes. Leurs supériorités nous effroyablent, frère. Aussi les conçoit-on sous forme de batailles ». Ivrognes, vieillards, enfants forment autour d’elles une cour d’élèves prêts à tout apprendre : pleurer, déserter, « malaxer des silences », mourir, revenir. Macabre, truculente et féerique, cha­que nouvelle est un joyau. — Marine Landrot

 

Historias abensonhadas, traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues, éd. Chandeigne, 180 p., 17 €.

Commandez le livre Histoires révérées

Laisser une réponse