Histoire naturelle

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Histoire naturelle

C’est par le récit qu’en a donné son neveu, Pline le Jeune, qu’on connaît les circonstances de la mort de Pline l’Ancien : un jour de l’an 79, le 25 septem­bre, dit-on – la date est aujourd’hui contestée –, averti de la présence dans le ciel de la baie de Naples d’une nuée grise échappée du Vésuve, Pline, « dans son zèle pour la science, voulut l’examiner de plus près » ; il quitta donc Misène, où il se trouvait, pour approcher du volcan par la mer, et mourut, quelques heures plus tard, asphyxié semble-t-il par les cendres que transportait l’air. Outre cette scène dramatique, associée dans les esprits à l’ense­velis­sement spectaculaire de Pompéi et ­Herculanum, Pline l’Ancien, tout ensemble homme de lettres et haut fonctionnaire au service de Rome, esprit studieux (« il disait même qu’il n’existait ­aucun livre, si mauvais fût-il, qui ne contienne quelque valeur », témoigna son neveu), est demeuré célèbre pour avoir tenté de constituer, avec son Histoire naturelle, l’extraordinaire recensement de tous les savoirs de son temps. « Il a voulu tout embrasser, et il semble avoir mesuré la nature, et l’avoir trouvée trop petite encore pour l’étendue de son esprit », note Buffon, quinze siècles plus tard, sans rien cacher de l’admiration qu’il porte à cet aîné. C’est à Stéphane Schmitt, éditeur de Buffon en Pléiade il y a six ans, que l’on doit aussi aujourd’hui de pouvoir se plonger dans cette édition critique de Pline – un texte qui, souligne Schmitt dans sa précieuse préface, n’a pas traversé depuis deux mille ans de périodes d’oubli, est demeuré une référence jusqu’au XVIIIe siècle, utile en ce que Pline a largement puisé à des auteurs antérieurs, dont les traités, eux, ont disparu ; admirable parce qu’au-delà de ce travail de compilation la touche personnelle de Pline se fait sentir à chaque page, mélange d’érudition heureuse, de réflexion sur la nature et la place qu’y tient l’homme. L’homme, c’est au centre donc de cette Histoire naturelle qu’il se tient, mais pas forcément en posture de gloire – « l’homme, pour lequel la nature semble avoir engendré tout le reste, compensant toutefois ses considérables présents par un grand et cruel tribut, en sorte qu’on ne peut déterminer vraiment si elle est plutôt pour l’homme une bonne mère ou une sinistre marâtre ». Car, après tout, si l’on y réfléchit, de tous les animaux, « l’homme est le seul qu’elle [la nature] jette nu sur le sol nu, le jour de sa naissance […] nul autre, parmi tant d’animaux, n’est ainsi abandonné aux larmes, dès le commencement de sa vie ». Larmes et supplices inaugurent donc la vie de l’homme – « ah, c’est folie que de se croire, après de tels débuts, né pour étaler son orgueil ».

La saveur hors norme de cette Histoire naturelle tient en la variété des thèmes explorés, Pline le naturaliste englobant dans ses intérêts tant la place de la Terre dans l’Univers, la géographie, l’étude de la flore et la faune que les activités humaines, agriculture, arboriculture, médecine, arts… Tout cela afin de souligner « la puissance exceptionnelle de la nature et de son architecte ». On ne sait que citer, quel chapitre il convient d’inciter à lire en priorité parmi ces deux mille pages – soigneusement préfacées et annotées – tant la matière est diverse, foisonnante, roborative. Qu’on se doit d’approcher aujourd’hui comme relevant tout à la fois de la science et de la poésie – comme aussi une plongée exceptionnelle dans la psyché et les raisonnements d’un individu d’un tout autre temps.

 

 

Quand sciences naturelles et poésie se rejoignent…

Histoire naturelle, Buffon (éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade). Le grand récit (36 volumes !) étincelant, vif, précis de celui que Rousseau considérait comme « la plus belle plume de son siècle ».
Voyages, William Bartram (éd. Corti). Les carnets minutieux d’un naturaliste de Philadelphie qui passa quatre ans (1773-1776) à voyager dans le sud, encore inexploré, des Etats-Unis naissants.
Histoires naturelles, Jules Renard (éd. GF-Flammarion). D’elliptiques portraits d’animaux, de fleurs, d’arbres, esquisses tout ensemble réalistes et fantasques, tracées à la pointe sèche par l’auteur de Poil de carotte.
Souvenirs entomologiques, Jean-Henri Fabre (éd. Bouquins-Laffont). Les Mémoires captivants d’« un grand savant qui pense en philosophe, voit en artiste, sent et s’exprime en poète », ainsi que le définissait Jean Rostand.
Pèlerinage à Tinker Creek, Annie Dillard (éd. Christian Bourgois). Descriptif et méditatif, ancré dans la vallée de Virginie où elle vit, le "journal météorologique" d’une magnifique écrivaine américaine d’aujourd’hui.

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