La Havane, étouffante et lumineuse, joyeuse, misérable et constamment bruyante. Le petit Daniel Kaminsky, parti de Cracovie pour échapper aux nazis, y est recueilli par son oncle Joseph. Peu à peu, il apprend que seul le silence annonce le danger dans cette ville caraïbe qu’il doit apprivoiser. C’est en silence qu’il apercevra au loin ses parents et sa soeur, prisonniers du Saint-Louis, un paquebot dans lequel, en 1939, ont embarqué des centaines de Juifs qui seront refoulés des eaux cubaines et condamnés à retourner sur le continent européen où la mort les attend.
En suivant l’oncle et le neveu, Leonardo Padura enjambe les époques, jusqu’à l’ère Batista, puis la révolution et le régime castriste. L’intrigue historique prend des allures d’enquête policière quand, en 2007, le fils de Daniel revient à La Havane, à la recherche d’un tableau de Rembrandt, ancienne propriété de la famille Kaminsky depuis trois siècles, réapparu mystérieusement lors d’une vente aux enchères à Londres. Pour tenter de suivre sa trace, il fait appel à Mario Conde, le personnage fétiche de Padura. Ancien policier de la criminelle, Cubain pure souche, vivotant du commerce des livres de collection, Conde est parfois submergé par ce qu’il croit être le vide de son existence. Mais le mauvais rhum, sa compagne Tamara et, surtout, ses instincts de fin limier le font avancer dans cette histoire, où les souvenirs, hantés de fonctionnaires véreux et tortionnaires, se confrontent aux réalités d’une ville contemporaine demeurée otage de son passé. Roman flamboyant, Hérétiques est une épopée dédiée à cette cité, où un tableau du xviie siècle fait résonner d’éternelles révoltes… — Gilles Heuré
Herejes, traduit de l’espagnol (Cuba) par Elena Zayas Ed. Métailié 608 p., 23 €.
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