Fairy Tale

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Fairy Tale

D’abord on est saisi par la brutalité et la cadence rock de l’écriture : crudité et minimalisme des dialogues qui s’encastrent à la hache dans de courts ­paragraphes aux phrases courtes, elles aussi. Mots carnassiers, insultes, verbes à l’arrache, rythmes chaotiques pour situations quotidiennes de violence extrême — familiale, conjugale, professionnelle, amicale. Par le verbe rapide et dru, et sans avoir besoin de décrire, ou de faire dans la psychologie, Hélène Zimmer fait entrer rudement dans l’ordinaire poisseux et lourd d’un couple de chômeurs trentenaires — Coralie et Loïc — et de leurs trois enfants. Normal, avant ce superbe premier livre, la jeune romancière était déjà actrice, scénariste, réalisatrice. En praticienne de la langue et de l’image, elle sait le pouvoir des répliques et visualiser, cadrer à merveille les scènes. Comme à travers un montage très serré, on passe ici d’un univers à l’autre sans souffler. On est chez les exclus de la croissance, les ­rejetés du libéralisme, les presque pauvres à la veille de sombrer. Loïc est au chômage depuis deux ans. Coralie, qui assume seule la survie du foyer, à la veille de se faire virer de son emploi de vendeuse dans la zone commerciale proche de leur pavillon. Son nouveau patron ne supporte pas cette fille indépendante. Elle a trop de mal à se plier aux exigences de la vente. Commence la descente aux enfers de Coralie. Malgré les vacances au camping, le vin rouge avec les potes, le barbecue, et le tournage, chez eux, de Fairy Tale — ce magazine de télé-réalité compassionnelle qu’elle a su « miraculeusement » intéresser pour trouver du boulot à Loïc… On pense aux films des frères Dardenne, l’espérance et la rédemption en moins ; à Ken Loach, aussi, mais sans les bons sentiments… A toute vitesse et sans discours, Hélène Zimmer fait voir les rejetons de ces « Français moyens » que chantait Sheila dans les années 1960, au seuil de la misère sociale aujourd’hui. Son roman, diablement politique sans jamais le revendiquer, est sauvage, terrifiant. Et pourtant allègre, vif, drôle souvent. Jamais glauque ou complaisant. C’est que l’art de l’écriture est là. Indéniablement. — Fabienne Pascaud

 

Ed. P.O.L, 288 p., 17 €.

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