Face au mur

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Face au mur

Plus il y a de fruits dedans, meilleure est la confiture. Les histoires de braqueurs, de taulards, de cavales, de gendarmes et de voleurs obéissent à la même logique. Avec, en guise de « fruit », du vécu de première main, des détails inimaginables, des situations dont seuls la vie et le hasard ont le ­secret. De plus en plus rares, souvent éventés, ces ingrédients de qualité, Laurent Astier les a recueillis auprès de Jean-Claude Pautot.

A l’occasion d’un atelier BD organisé en 2012 au sein de la centrale de Saint-Maur, l’une des trois « prisons haute sécurité » françaises, le dessinateur fait la connaissance du braqueur multirécidiviste qui a passé la plus grande partie de sa vie en cellule et le reste en cavale. Si Face au mur n’est pas explicitement la biographie de ce sexagénaire devenu plasticien, aujourd’hui en liberté conditionnelle, ce récit est pétri de souvenirs et d’épisodes glanés dans sa vie ou dans celles de compagnons de détention. D’où la physionomie éclatée de l’histoire, les multiples flash-back et les ficelles parfois trop voyantes pour tenter de lui donner une cohérence. Le personnage de l’inspecteur — qui, tel le Javert des Misérables, s’acharne pendant plus de trente ans à mettre « Pépé », le héros, sous les verrous — n’est pas très crédible. Pour le reste, en revanche, rien ne manque. Astier a su capter, avec son trait réaliste et sa mise en scène syncopée, l’ambiance des prisons françaises, où chacun ­arbore un masque de circonstance, le fameux « bagne pour enfants » de Belle-Ile-en-Mer, où Pépé a séjourné adolescent, les minutieux préparatifs d’un casse au début des années 1980 ou encore l’extrême paranoïa du malfrat en cavale et ses trucs pour échapper aux flics. Une confiture donc, mais aux saveurs fortes et amères, qui évoquent souvent celle du Trou, l’excellent film de Jacques Becker. — Stéphane Jarno

 

Ed. Casterman, 160 p., 20 €.

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