Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre

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Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre

Elle n’a pas dit qu’elle prendrait tout ce qu’il y a de bon à prendre. Relisez bien le titre. Il manque deux mots. Enterrés, pulvérisés. Tout est dans cette béance. Ce qu’il y a de bon, elle n’y a jamais eu droit. Son père a toujours veillé à ce qu’elle en soit privée. Violent, pervers, narcissique, il l’a cadenassée dans la cave jusqu’à l’adolescence. Lui laissant prendre tout ce qu’il y avait à prendre : des coups. Et la mère ? Même passage à tabac systématique. Voilà l’intrigue assénée. Le roman le précise d’emblée : la victime s’est fait justice elle-même, tuant le bourreau après des années de silence. C’est ce silence qui intéresse Céline Lapertot, jeune romancière de 27 ans, dont on n’est pas près d’oublier le premier cri littéraire.

En tête de chaque chapitre, deux ou trois phrases cinglantes extraites d’une lettre que l’enfant battue a écrite au juge. Elles sont des répliques des coups de couteau administrés au père pour en finir avec le calvaire. Des flèches d’autodéfense, précises et fatales, préparées de longue date. Entre ces paroles synthétiques : le flot des sévices subis, insoutenables, racontés avec une froideur médicale, méticuleuse et distante, comme proférés derrière un masque, un bâillon, un linceul peut-être, dans une sorte d’effroi contenu, de terreur étouffée. Comment la souffrance bouillonne-t-elle en vase clos dans un corps qui refuse de saisir toutes les occasions de demander du secours ?

Céline Lapertot suit les méandres d’une conscience atrophiée, bafouée, contorsionnée au creux d’un labyrinthe dont elle ne peut pas prendre la sortie, par peur du monde extérieur. Dans une langue sobre et tranchante, magnifique de justesse, elle invective en sourdine toute une société qui ne sait plus voir ni écouter le désespoir criant des êtres. La lecture de ce premier roman laisse en état de choc. Choc de suivre un destin laminé. Choc de découvrir une nouvelle écriture à l’estomac, d’une profonde dignité.

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