Entre les murs du ghetto de Wilno, 1941-1943

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Entre les murs du ghetto de Wilno, 1941-1943

Dimanche 21 juin 1941, « un beau jour d'été », note le jeune Yitskhok Rudashev­ski dans les premières pages de son journal. Membre du Mouvement de la jeunesse soviétique, l'adolescent de 14 ans est encore ivre d'été et d'idéal socialiste. Pourtant, l'aviation allemande obscurcit déjà le ciel de Wilno – nom polonais de Vilnius – et le sort des Juifs de Lituanie, alors annexée par l'URSS : « Tout a changé si subitement. Le paisible ciel bleu s'est transformé en une nuée qui arrose la ville de bombes. » La rupture entre le monde d'avant l'invasion allemande et le monde sous occupation nazie est d'autant plus brutale qu'elle s'exécute, tranchante et nette, sur une seule page, dès le début du manuscrit. Manuscrit qui s'arrêtera tout aussi brutalement le 7 avril 1943, par ces mots lucides et acérés : « Le pire peut nous arriver à tout instant…» Derniers mots écrits par Yitskhok Rudashevski, assassiné à Ponar, comme plus de soixante-dix mille Juifs de la ville, quelques mois plus tard, le 1er octobre 1943.

Dans son récit d'une sidérante intelligence, le jeune homme raconte l'horreur de la mise en œuvre de l'extermination, presque sans larmes. Exactement comme lorsqu'il évoque son travail pour le cercle d'histoire mené dans le ghetto : « J'ai goûté au travail d'historien, assis à la table, je pose les questions et inscris en quelques mots secs, factuels, les plus grandes souffrances. » En 1942, le cercle littéraire du ghetto, initié par le poète Avrom Sutzkever, décide de collecter ces mots d'esprit, invectives et histoires sortis de l'enfer des jours. Le jeune homme est enthousiaste « car le merveilleux folklore du ghetto qui court dans les ruelles, baigné de sang, doit être collecté, gardé comme un trésor pour le futur ». Poignante prophétie, dont ce journal se fait en même temps porteur et incarnation.

Tout bouleverse dans le texte d'Yitskhok Rudashevski. Le martyre infligé et les mots « secs » avec lesquels il est décrit, l'absence d'illusions et le goût persistant de l'étude, les tristes prémonitions et les espoirs fous, le récit de la mort en marche et la confiance en la vie – « Du ghetto ne sortira pas une jeunesse brisée, du ghetto sortira une jeunesse forte, endurcie, joyeuse ! » De ces mouvements violemment contradictoires, Yitskhok Rudashevski a fait naître plus qu'un témoignage, une œuvre. Tragique et éclairée.

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