Écrire pour sauver une vie. Le Dossier Louis Till

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Écrire pour sauver une vie. Le Dossier Louis Till

« Vers la fin de l’été 1955, je vis dans la revue Jet l’effrayante photo d’un garçon mort presque exactement du même âge que moi, un gamin noir assassiné à Money, dans le Mississippi, dont le visage mutilé avait l’air d’un insecte que quelqu’un aurait écrasé d’un doigt », se souvient John Edgar Wideman dans Ecrire pour sauver une vie. Ce garçon de 14 ans, massacré pour avoir sifflé au passage d’une femme blanche, s’appelait Emmett Till. Ses deux assassins furent acquittés par un jury composé de douze hommes blancs. Le supplice de l’adolescent et l’absolution accordée à ses bourreaux participèrent au déclenchement du Mouvement des droits civiques. A Emmett Till, Dylan a consacré jadis une chanson et sur lui, John Edgar Wideman voulait écrire un roman.

Ce projet de fiction n’a pas abouti, mais un livre existe bel et bien désormais. Un ouvrage admirable, âpre, grave et lyrique. Un mémorial de papier où le jeune martyr gît aux côtés de son père, Louis Till, soldat de l’armée américaine débarqué en Italie en 1943, accusé de viol, enfermé (dans la même prison qu’Ezra Pound, qui cite son nom dans les Cantos), condamné, exécuté, enterré dans un cimetière de l’Oise. Mêlant la tentative de reconstitution des faits historiques au récit d’un voyage qu’il fait en France, l’écrivain convoque aussi sa propre enfance, les figures de ses parents, de son grand-père. Son frère et son fils également, inéluctablement — l’un et l’autre condamnés pour meurtre, et dont les destins brisés hantent tous les livres de Wideman. « Je travaille pour un fils et un frère incarcérés. Ils sont enfermés à l’intérieur de moi, je suis emprisonné avec eux […]. Pas le choix », écrit-il simplement dans ce récit inoubliable qui s’offre à lire comme le prolongement de la pénétrante méditation sur la condition des Noirs américains que constitue toute son oeuvre. — Nathalie Crom

 

Writing to save a life, The Louis Till file, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Catherine Richard-Mas, éd. Gallimard, 226 p., 20 €.

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